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21 octobre 2024

Projet de loi de Finances (PLF) 2025 : quels changements pour le secteur de l’énergie ?

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Dirigeant d'une petite entreprise qui vérifie le montant de ses taxes

Le nouveau gouvernement pourrait provoquer un bouleversement dans la gestion énergétique des entreprises

Les finances publiques sont confrontées à une dette galopante. Elle pourrait atteindre les 6 % du PIB à la fin de l’année 2024. Face à cette situation, le nouveau gouvernement de Michel Barnier cherche des mesures fortes pour diminuer les dépenses mais également augmenter les recettes. C’est dans ce contexte qu’il présente son premier projet de loi de Finances, pour 2025.

Ce texte, s’il est adopté dans sa version initiale, pourrait chambouler le secteur de l’énergie. Il comprend une hausse majeure des taxes sur l’électricité, un ajustement de la TVA sur l’énergie mais également une refonte du mécanisme de capacité ou encore l’intégration du post-Arenh, le versement nucléaire universel, qui expose plus que jamais les entreprises à la volatilité du marché de l’électricité.

L’Arenh devient le versement nucléaire universel

Ce n’est pas la partie nouvelle : l’Arenh prendra fin le 31 décembre 2025. Dans quelques semaines, les fournisseurs d’énergie auront pu transmettre leurs dernières demandes d’Arenh, suivies par le taux d’écrêtement de la dernière cuvée – cette demande dépassant le volume alloué à l’Arenh ces dernières années, le reste doit être acheté sur les marchés de gros, ce qui provoque un écrêtement.

Un tarif fixe pour l’énergie nucléaire qui ne fonctionne plus

Jusqu’à présent, l’Arenh protégeait les consommateurs français en leur faisant bénéficier d’un tarif fixe de 42 €/MWh pour l’énergie nucléaire « historique », c’est-à-dire l’énergie produite par des centrales dont le coût d’investissement a déjà été absorbé par EDF – ce qui représentait un avantage concurrentiel certain pour le producteur historique par rapport aux fournisseurs alternatifs. C’est cet avantage qui a conduit à la mise en place de l’Arenh.

Cependant, le risque d’écrêtement faisait que l’Arenh ne fonctionnait plus pour protéger les consommateurs… et ne permettait plus à EDF de s’assurer une rente suffisante pour investir dans la construction de réacteurs nucléaires de nouvelle génération, comme le souhaite l’État. Il a donc été décidé de réformer l’Arenh.

Le PLF 2025 entérine le mécanisme post-Arenh de captation des surprofits

Un accord a été trouvé pour cela entre le gouvernement d’Élisabeth Borne et Luc Rémont, le PDG d’EDF, fin 2023. C’est cet accord que le PLF précise aujourd’hui. Il le fait entrer dans la loi en tant que versement nucléaire universel – alors que le Sénat estimait il y a encore peu de temps que cet accord se résumait à une « feuille volante ».

Si le texte de loi reste pour le moment descriptif et ne précise pas la hauteur des seuils de captation des revenus, il s’agir d’une redistribution en deux temps vers les consommateurs finals. Ainsi, l’État captera 50 à 90 % des excédents générés en cas de flambée des prix. Pour les consommateurs, particuliers ou professionnels, cela se traduira par une réduction du prix de l’électricité sur des contrats préalablement conclus. Ce montant qui reviendra vers le consommateur sera précisé sur la facture, avec une réduction uniforme pour l’ensemble des consommateurs – mais dont le contour précis, comme les heures de consommation concernées, sera soumis à la Commission européenne.

Le post-Arenh toujours sous le feu des critiques

Cependant, les principaux consommateurs d’électricité, parmi lesquels les industriels, souhaitent faire entendre leur voix à l’occasion de cette révision de l’Arenh. Ils insistent sur le besoin de contractualisation sur un temps long, avec un prix garanti stable et lisible, afin d’éviter une exposition totale aux fluctuations du marché. En parallèle de l’examen de ce PLF 2025, les professionnels de l’industrie chimique ont encore alerté sur leur besoin de tarifs compétitifs de l’énergie à court et à long terme, mais les négociations avec EDF patinent toujours.

Par ailleurs, afin d’augmenter les recettes de l’État, le versement d’un dividende exceptionnel pourrait également être demandé à EDF. À moins que l’idée d’une taxe sur les moyens de production de l’électricité ne refasse surface à la faveur des débats parlementaires…

Le passage des garanties de capacité à un mécanisme de capacité financé par les fournisseurs

Une réforme inévitable à partir de novembre 2026

Le gouvernement souhaite également profiter de cet examen de loi pour instaurer de nouvelles règles dans le cadre du mécanisme de capacité. L’enjeu est de taille après la crise de l’énergie traversée en 2022 et 2023. Il s’agit de pouvoir financer à moindre coût les centrales électriques et la flexibilité nécessaires à la couverture d’un pic de consommation. Le système actuel, qui repose sur une obligation pour les fournisseurs d’acheter des certificats de capacité, n’est autorisé par la Commission européenne que jusqu’à novembre 2026.

Un mécanisme qui taxe les fournisseurs d’énergie

L’État propose donc de le remplacer dans deux ans par un mécanisme de prélèvement direct auprès des fournisseurs d’énergie, afin de financer le gestionnaire de réseau de transport de l’électricité, RTE. C’est ce dernier qui s’assurera ensuite des capacités de production ou d’effacement en achetant des garanties aux producteurs ou aux opérateurs de flexibilité en fonction de ses besoins.

Ainsi, le texte du PLF 2025 précise : « Ce mécanisme prend la forme d’une rémunération versée par le gestionnaire du réseau public de transport aux exploitants de capacités de production, de stockage et d’effacement de consommation en contrepartie de leurs engagements de disponibilité. » Cela devrait permettre une meilleure adéquation entre l’offre de capacité et la demande des gestionnaires de réseau.

Le surcoût à attendre pour les consommateurs

Cependant, cette imposition sera liée à la consommation des clients de chaque fournisseur d’énergie. Par conséquent, les fournisseurs devraient le traduire par un surcoût au niveau des factures. Celui-ci est évalué dans une fourchette de deux à trois euros du mégawattheure.

La forte hausse annoncée de l’accise sur l’électricité

C’est le dossier très chaud du PLF 2025. Annoncé comme l’un des mesures phares, le rehaussement de l’accise sur l’électricité (anciennement CSPE puis TICFE) doit apporter trois milliards d’euros dans les caisses de l’État. L’exécutif a choisi pour cela d’agir avant la baisse prévue des tarifs réglementés de vente de l’électricité. Cela doit rendre la hausse de la taxation « indolore ».

L’accise qui pourrait atteindre 49 €/MWh en février 2025

Ainsi, le futur montant de l’accise de l’électricité n’est pas encore connu. Il sera précisé par un arrêté, pris à la suite de l’adoption du budget 2025. L’exécutif assure simplement que l’accise permettra d’assurer une baisse des TRVE de 9 % en février 2025.

Néanmoins, pour les entreprises déjà sur des offres de marché – les TRVE étant réservés aux très petits consommateurs –, cela pourrait se traduire par une hausse brutale de leurs factures. Selon les dernières estimations, en tenant compte de la hausse à venir du Turpe et de l’évolution des prix sur les marchés de gros, l’accise pourrait se situer aux alentours de 49 €/MWh. Elle aurait dû revenir à 32 €/MWh en 2025 après la suppression du bouclier tarifaire.

L’exonération pour les industriels allongée d’un an

Cette accise concerne tous les consommateurs d’électricité, sans distinction. Certains secteurs peuvent néanmoins bénéficier d’une exonération quasi totale. Afin d’éviter un choc de compétitivité, les activités industrielles électro-intensives bénéficieront jusqu’en décembre 2025 du minimum européen de taxation de l’électricité à 0,5 €/MWh.

Des débats en cours sur la cohérence écologique et sociale

Néanmoins, la très fragile majorité du gouvernement Barnier pourrait vaciller sur ce dossier sensible de l’accise sur l’électricité. Au sein du gouvernement, des désaccords ont déjà vu le jour dans les médias, en amont de l’annonce du PLF 2025. Ainsi, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher s’était exprimée en défaveur d’un relèvement de l’accise au-delà des 32 €/MWh. Par la suite, elle a également indiqué son souhait que les « solutions carbonées » ne puissent être favorisées par rapport aux « solutions décarbonées », sous-entendant le besoin d’un alignement entre l’accise sur le gaz et celle sur l’électricité. Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a quant à lui exclu d’emblée cette solution.

Les débats à l’Assemblée nationale pourraient alors faire basculer cette partie du texte avec des amendements ciblées. La commission des Finances de l’Assemblée a d’ailleurs retiré l’article sur l’augmentation de l’accise sur l’électricité du texte de loi, même si celui-ci sera débattu dans sa version initiale par les députés.

Graphique qui présente l’évolution de l’accise sur l’électricité

Une TVA sur l’électricité et le gaz majorée

Enfin, le PLF 2025 prévoit une mise en conformité de la taxe sur la valeur ajoutée dans le secteur de l’énergie avec le droit européen. Jusqu’à présent, la TVA est différenciée. La part fixe, l’abonnement auprès d’un fournisseur, est taxée à 5,5 %. La part variable, qui comprend la consommation et les taxes sur cette consommation, est soumise à une TVA à 20 %. La part fixe de l’abonnement devrait être désormais également concernée par une TVA à 20 %.

Des compensations pour les entreprises ?

Le gouvernement assure que ce changement sera neutre pour les ménages, puisqu’inclus au calcul de la baisse de 9 % des TRVE. Mais pour les entreprises, il s’agirait d’une augmentation à prévoir dans le cadre des projections budgétaires pour l’année à venir. Le gouvernement pourrait également avoir recours à des mesures de compensation pour en limiter les effets.

Un PLF à l’avenir incertain… et qui ajoute de l’incertitude aux entreprises

La présentation de ce projet de loi de Finances 2025 par le gouvernement Barnier fait donc peser le risque d’un bouleversement dans la gestion des budgets énergétiques pour les entreprises.

Des entreprises exposées au marché

La taxation grandissante de l’électricité entraîne un risque de perte de compétitivité dans de nombreux secteurs, qui vont dans le même temps devoir faire face à une exposition à la volatilité du marché de l’électricité toujours plus grande. Sans l’Arenh pour protéger les consommateurs et avec un mécanisme de redistribution qui manque de clarté à ce jour, il devient difficile de construire un budget énergétique sereinement.

Des incohérences entre taxation et décarbonation des usages

Par ailleurs, avec des objectifs forts de décarbonation au niveau français et au niveau européen, la décorrélation des accises sur le gaz et sur l’électricité envoie des signaux contradictoires. L’électrification des usages, dans les transports mais également dans l’industrie ou dans le secteur tertiaire, ne peut se faire sans une cohérence fiscale. Le gouvernement prend actuellement le risque d’envoyer le mauvais signal, au moment où il faudrait pouvoir investir dans des solutions hors des énergies fossiles.

Les entreprises forcées d’agir dès aujourd’hui

Même si le devenir de ce texte est très incertain et dépend des accords qui pourraient surgir dans une Assemblée nationale sans majorité politique claire, la fin annoncée du mécanisme de l’Arenh et la révision du mécanisme de capacité doivent inciter les entreprises à agir sur leur consommation d’électricité.

En adoptant les bonnes solutions sur le marché, les entreprises peuvent agir pour promouvoir la transition énergétique et se protéger des fluctuations de prix. Il est encore temps de décider de mieux et moins consommer d’énergie, ensemble, pour s’affranchir davantage des répercussions que peuvent avoir certains choix politiques.

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