Pendant plusieurs mois, en 2022, les rumeurs d’un blackout se sont multipliées en raison d’une forte tension sur le réseau et des nombreux réacteurs nucléaires à l’arrêt. Cela a mis en avant la fébrilité qui peut gagner les gestionnaires de réseau à l’approche de l’hiver.
D’une manière générale, une coupure électrique généralisée est-elle réellement une menace sérieuse ? Comment les entreprises peuvent-elles anticiper les externalités négatives des problèmes d’approvisionnement énergétique en France ?
Nous vous apportons notre éclairage sur la situation, ainsi que des conseils pratiques pour mettre en place des stratégies efficaces face au risque de coupure d’électricité.
Risque de coupure d’électricité : info ou intox ?
Emmanuel Macron se veut rassurant sur la question. Il le disait déjà en juin 2021 : selon lui, il n’y avait pas de risque de coupure de courant en France au cours de l’hiver 2022. De fait, cette situation a pu être évitée.
Et pourtant, RTE (gestionnaire du Réseau de Transport d’Électricité), sans être alarmiste, avait alerté sur la sécurité de l’approvisionnement en électricité en France, notamment avant l’hiver 2022. Selon RTE, plusieurs éléments expliquaient ces difficultés d’approvisionnement :
- La disponibilité du parc de production nucléaire française était basse : la maintenance de certains réacteurs a été décalé à la suite des confinements successifs du Covid. D’autre part, des anomalies de corrosion sous contrainte ont été repérées et nécessitent de réaliser des contrôles supplémentaires sur les circuits. À mi-mai 2022, 29 des 56 réacteurs en exploitation étaient à l’arrêt…Il est tout de même à noter que de nombreuses remises en service de réacteurs sont prévues entre octobre 2022 et janvier 2023.
- L’approvisionnement en gaz était compliqué, à l’échelle de tous les pays européens (notamment les pays de l’Est), du fait du contexte géopolitique international actuel.
- D’autres éléments entraient alors en compte, comme la fermeture de centrales françaises (Fessenheim, centrales au fioul et à charbon…) et le retard de la France sur le développement de modes alternatifs de production d’énergie.
Un autre facteur, sur lequel personne ne peut avoir de prise, entre dans le risque de blackout : la météo. La rudesse du climat en hiver, comme en été d’ailleurs, entraîne un pic de consommation électrique. Une vague de froid, combinée à une faible production énergétique, aurait donc pour conséquence un réel problème d’approvisionnement en électricité.
Des mesures pour éviter le pire
Plusieurs éléments montrent que l’Europe et la France sont capables de mettre en place rapidement des initiatives afin d’éviter des coupures d’électricité.
En attendant la réforme du marché européen de l’énergie souhaitée par la Commission européenne et les 27 – les premières discussions entre les États membres avaient mis sur le tapis comme pistes, notamment, la réduction de la demande d’électricité, la limitation des prix de technologies de production d’électricité moins coûteuses, la redistribution de la rente par un système de CFD, le plafonnement du prix du gaz russe (ou général ?)…
L’État français, de son côté, a présenté deux plans de sobriété successifs (en 2022 et 2023) pour faire face à la crise énergétique. Dans ce plan, nous retrouvons de nombreuses mesures s’appliquant dans tous les secteurs : transport, entreprises, particuliers, bâtiments d’accueil… Retrouvez toutes les informations dans les faits marquants de notre note de marché de la semaine du 3 octobre 2022.
Ces pistes de modification du marché européen de l’électricité ainsi que la présentation du plan de sobriété français sont des mouvements rassurants pour les acteurs du marché. Les politiques se montrent inscrits dans la réalité.
Pour terminer, les stocks français stratégiques de gaz permettent de couvrir environ 2/3 de la consommation hivernale des PME et particuliers lorsqu’ils sont remplis à 99 %, ce qui a été le cas ces dernières années.
Pénurie d’énergie : quelles conséquences pour les professionnels ?
Alors concrètement, si l’énergie venait à manquer au cours d’un hiver, quelles seraient les conséquences pour les entreprises ?
En cas de tension trop importante sur le réseau, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’ils activeraient des « leviers postmarché », pour éviter des ruptures de courant pour l’ensemble des consommateurs, à savoir :
- Des interruptions ponctuelles d’alimentation énergétique de grands consommateurs industriels, notamment dans les secteurs de la construction automobile, de la métallurgie, du raffinage, du papier, de l’agroalimentaire, de la plasturgie, du verre et de la chimie ;
- Une baisse de tension de 5 % sur les réseaux de distribution ;
- Voire de possibles délestages chez les particuliers sur certains quartiers (coupures de courant ciblées).
Si un jour la France était face à un réel manque d’énergie, le blackout total n’est donc pas à craindre. Il n’en reste pas moins que les entreprises énergivores ont un risque réel d’être touchées par des mesures de contrainte énergétique si les conditions météorologiques sont défavorables pendant une période de pic de consommation, au cours de l’hiver.
Entreprises : quelles sont les bonnes pratiques à mettre en place ?
Vous pouvez retrouver toutes les mesures du premier plan de sobriété – impliquant absolument tous les français autours de la formule « des économies choisies plutôt que des coupures subies » – dans les faits marquants du marché de l’énergie de début octobre 2022. Nous y avons consacré toute une partie afin d’aider les entreprises à s’y retrouver dans le flux continu d’informations.
Il s’agit bien souvent de bon sens et d’actions collectives. Voici quelques points supplémentaires que nous vous indiquons ci-dessous.
Consommer moins
L’appel à la sobriété énergétique n’est pas nouveau et l’enjeu est réel, cet hiver mais aussi dans l’absolu. La diminution de la consommation globale d’électricité peut passer par :
- L’adoption et le développement d’écogestes : au-delà de baisser le chauffage, ne chauffez que les zones qui en ont besoin, fermez les portes des zones non chauffées, débranchez les appareils en veille, prenez l’habitude d’éteindre les lumières non utilisées, fermez les volets ou les rideaux le soir quand les températures baissent, aérez seulement quand le chauffage est éteint, etc.
- Le choix d’équipements plus performants : ampoules basse consommation, appareils électriques peu gourmands en énergie (par exemple privilégier les ordinateurs portables, qui consomment jusqu’à 80 % moins d’énergie que les fixes), s’équiper d’une chaudière à condensation, etc.
- La rénovation énergétique et l’investissement dans les énergies renouvelables : un bâtiment bien isolé permet d’économiser en énergie pour le chauffer (consommation d’énergie divisée par 10 !) Augmenter progressivement la part des énergies renouvelables pour répondre à vos besoins énergétiques est également une piste intéressante à explorer pour gagner en autonomie énergétique.
Consommer mieux
Autre pilier de maîtrise de sa consommation d’énergie : l’efficacité énergétique. Alors, comment fait-on pour consommer mieux ?
Adapter sa consommation
Autre piste pour mieux consommer : utiliser le dispositif EcoWatt. Cet outil, codéveloppé par le gestionnaire de réseau RTE et l’Ademe, permet d’alerter en temps réel sur le niveau de sécurité d’approvisionnement énergétique.
En suivant ce baromètre de la consommation d’électricité (qui va du vert au rouge), vous savez quand il est nécessaire de modérer votre consommation, ou de faire plus attention, pour éviter la surcharge du réseau, et donc les coupures intempestives.
À noter : de manière générale, les moments les plus propices où il est très important de réduire sa consommation lorsque cela est possible, sont les créneaux 8 h-13 h, et 17 h 30-20 h 30.
S’effacer
Pratiquer l’effacement énergétique
Accessible principalement aux entreprises dont la consommation d’électricité est très conséquente, le principe de l’effacement est le suivant :
En contrepartie d’un dédommagement financier, une entreprise peut s’engager à réduire de manière ponctuelle sa consommation d’énergie, sur des périodes précises dans l’année.
Voici comment l’effacement se passe de manière concrète :
- Vous communiquez à RTE (ou à votre opérateur d’effacement) les périodes de l’année où vous pouvez renoncer à consommer de l’énergie, ou réduire votre consommation, (en jours et créneaux horaires).
- On vous verse chaque année un revenu correspondant à votre énergie « effacée », exprimé en €/MWh.
Bon à savoir : les entreprises éligibles à l’effacement électrique sont celles qui sont en mesure de réaliser des effacements de consommation les jours de tension du système électrique, et dont le process de production est compatible avec le fait de pouvoir décaler ou ralentir certaines étapes de production.