Actualité énergie

7 septembre 2022

Crise énergétique : les 5 mesures discutées lors du conseil extraordinaire des 27 ministres de l’Énergie

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Fin août 2022, nous avons vécu un record de prix sur le marché de gros de l’électricité. Sur le marché à terme calendaire 2023, les 1000 €/MWh ont été dépassés en France.

La situation était inédite en France et en Europe. Elle a provoqué une inquiétude forte et justifiée de la part des entreprises et des ménages.

Ce contexte a poussé les 27 ministres de l’Énergie à se réunir le vendredi 9 septembre 2022 afin de proposer des mesures structurelles afin de réformer un marché qui ne fonctionnerait plus.

Voici, dans cet article, les mesures issues de cette réunion extraordinaire.

1- Réduction de la demande d’électricité

Le premier volet s’inspire de la réduction de la demande de gaz prévue dans le plan de la Commission européenne : « Économiser le gaz pour un hiver sûr. » Pour rappel, ce plan prévoyait une réduction de la demande de gaz de 15 % en Europe jusqu’au printemps prochain. Tout comme celui du gaz, un nouveau plan concernant l’électricité a été présenté. Il prévoit d’atteindre une réduction de la demande similaire, à hauteur de 10 % – et un objectif contraignant de 5 % lors des heures de pointe.

À défaut d’être très engageante dans sa première version, cette mesure pourrait s’avérer plus contraignante, d’autant plus si elle est couplée à l’introduction d’une limitation des revenus de certains producteurs d’électricité et la redistribution du surplus ainsi généré (voir les mesures 2 et 3 ci-dessous).

En France, elle a débouché sur la présentation de plans de sobriété fin 2022 puis fin 2023, qui ont permis de faire baisser la consommation d’électricité sur le territoire.

2- Limiter le prix des technologies de production d’électricité moins coûteuses que les centrales à gaz

Le second type d’intervention consisterait en une limite de prix pour les technologies de production d’électricité dont les coûts d’exploitation sont inférieurs à ceux des centrales électriques au gaz. Le but ? Rendre les profits issus de l’exploitation de ces technologies indépendants du prix marginal de l’électricité.

 

 

En plus clair, au-delà d’un certain prix constaté sur les marchés de gros (prix de réserve), et notamment les marchés journaliers, un scalp interviendrait pour toutes les technologies dites « inframarginales », c’est-à-dire les premières lorsqu’on suit le merit order – les énergies renouvelables, le nucléaire et dans une certaine mesure l’hydroélectricité. Tout revenu généré par ces technologies au-delà de ce prix de réserve vient alimenter un fond commun de soutien national ou européen à destination des consommateurs.

Les centrales à charbon ou à gaz naturel perçoivent, quant à elles, l’intégralité du prix de marché avec pour objectif de ne pas distordre le dispatching électrique européen tout en les incitant à maintenir leur activité en cas de congestion sur le réseau.

Un des avantages de cette mesure est sa relative simplicité à la mise en œuvre. Elle agit ainsi comme un « absorbeur de choc », sans toutefois venir trop profondément perturber la formation des prix. Elle permet également d’éviter l’introduction de taxes exceptionnelles via des mécanismes hors marchés complexes.

3- Redistribution de la rente des technologies de production moins coûteuses et contribution des producteurs d’hydrocarbures aux États membres de l’Europe

Le surplus généré ainsi qu’une participation des producteurs hydrocarbures fourniraient aux États membres des ressources pour financer les interventions sur les prix de détail, tant au niveau des particuliers que des entreprises. À cet égard, le paquet offrirait une plus grande sécurité juridique aux efforts déployés par les États membres pour protéger certains types de consommateurs de l’impact des prix élevés de l’électricité, par exemple par le biais de tarifs réglementés.

En d’autres termes, la rente issue de la deuxième mesure additionnée à la contribution des hydrocarbures seraient toutes les deux distribuées aux États membres de l’Union européenne.

4- Limitation des prix du gaz russe

Cette mesure proposée par la Commission européenne consiste en un plafond du prix du gaz russe acheté par les Européens. Cela aura comme conséquence indirecte de faire baisser le prix de l’électricité produite par les centrales à gaz.

À travers cette mesure, l’Europe souhaite également diminuer les revenus du Kremlin. D’ailleurs, la réponse de la Russie ne s’est pas fait attendre. Dans la foulée de la déclaration d’Ursula von der Leyen, le président de la fédération de Russie Vladimir Poutine a déclaré : « Nous ne fournirons pas de gaz, de pétrole, de charbon, de fioul domestique… Nous ne fournirons rien. »

5- Garanties publiques de liquidité

La Commission souhaite concevoir des instruments de liquidité d’urgence sur les marchés des contrats à terme afin que les énergéticiens puissent continuer à opérer.

Les États membres pourraient donc accorder des garanties publiques pour rassurer les banques.

Notre analyse

Trois axes majeurs se dégagent de ce plan d’action conçu par les 27 ministres de l’Énergie :

  1. une intervention au niveau du mécanisme de formation des prix, une limitation des revenus pour certaines technologies et la constitution d’une rente à redistribuer aux consommateurs ;
  2. une intervention de l’État pour assurer la liquidité et donc l’approvisionnement ;
  3. des objectifs plus contraignants sur la réduction de la consommation.

La logique de redistribution sera la clé de voûte de la réussite économique d’un tel mécanisme. En effet, par quels autres critères organiser cette redistribution que par des critères comme :

  • la criticité de l’équilibre économique de certains secteurs clés ;
  • des mesures d’action concrète au niveau individuel sur la réduction de la consommation ?

Plutôt que d’organiser une intervention sur le seul axe de la production, une considération globale de l’équilibre offre-demande se dégage. Elle se distingue par une mesure restrictive côté production, accompagnée de mesures incitatives côté consommation. Ces interventions globales sont sécurisées, en cas de nécessité absolue, par la possible intervention de l’État.