Les concurrents d’EDF sont-ils responsables de la hausse du TRVE ?

La réponse est non. 

C’est non, factuellement et sans parti pris (prix ?) idéologique. Depuis quelques mois, beaucoup s’expriment à propos des raisons de la hausse du Tarif Réglementé de Vente de l’Electricité (TRVE). Selon ces voix, les fournisseurs alternatifs à EDF, achètent de plus en plus d’ARENH pour satisfaire leurs clients. Se faisant, ils augmenteraient le TRV. 

Toujours selon ces voix, l’ARENH aurait été créé pour faire plaisir à la concurrence et que si EDF devenait à nouveau l’unique producteur/distributeur/fournisseur à 100 % public alors, le TRV n’augmenterait plus. 

Sur un sujet aussi complexe que celui du marché de l’électricité, des raisonnements simples entraînent souvent des résultats approximatifs voire faux. Répondre par un commentaire d’un post LinkedIn ne sera jamais suffisant pour construire un réel raisonnement, c’est pourquoi nous préférons vous donner toutes les billes dans cet article. 

Fonctionnement de l’ARENH, écrêtements successifs, volatilité des prix… On vous explique pourquoi avec ou sans concurrence le TRVE augmente. 

Sauf si vous étiez caché dans une grotte (non chauffée) ces derniers mois, les énormes hausses des prix de l’électricité ne vous ont sûrement pas échappé. 

Il s’agit de hausses historiques qui ont conduit l’Etat, dans un contexte pré-électoral, à mettre en place les mesures suivantes : 

• Augmentation du plafond de l’ARENH de 20 TWh ; 
• Diminution de la CSPE pour les particuliers (1 €/MWh) et les professionnels (0,5 €/MWh) 

Ces mesures ont pour but de limiter l’impact de l’écrêtement pour tous les consommateurs ainsi que la hausse du tarif réglementé à +4 %.  

Hors tarif réglementé, nous constatons des hausses pouvant aller jusqu’à +700 % des prix de marché de gros de l’électricité depuis l’année dernière. Ces augmentations sont si folles que certaines entreprises ont dû déposer le bilan à cause de leur facture d’électricité. 

Voilà pourquoi dans la presse, sur les réseaux, au bistrot, partout : nous parlons de cela.  

Quels sont les facteurs responsables de ces hausses ? 

Désigner un coupable serait pratique sauf qu’il n’y a pas un seul responsable mais plusieurs facteurs. 

En effet, cette hausse est dû à quatre raisons principales :  

• La forte reprise économique mondiale post-COVID : celle-ci entraîne un déséquilibre entre l’offre et la demande ; 

• Les offres de gaz ne sont pas ajustées à cette reprise (Norvège et Russie) : en raison des tensions géopolitiques (Nord Stream 2) et à un moment où le stockage européen de gaz est au plus bas ; 
• La hausse des prix du gaz se répercute directement sur celui de l’électricité : pour assurer les pics de demande, les centrales à gaz sont mises en route pour produire de l’électricité ; 
• Certaines centrales nucléaires sont mises à l’arrêt au pire moment : actuellement c’est une dizaine de réacteurs sur 56 qui ne tournent pas, ce qui représente 20 % de capacité énergétique en moins. 

L’ARENH permet aux fournisseurs d’électricité alternatifs d’accéder à une partie de la production d’EDF selon des conditions et à un prix défini par l’Etat. Tous les ans, depuis 2010, EDF doit céder au prix de 42 €/MWh une partie de sa production (100 TWh*) à la concurrence. 

*Le plafond d’ARENH a été augmenté de 20 TWh seulement pour 2022, il passe donc de 100 à 120 TWh 

Depuis 2019, les livraisons en électricité ARENH sont en situation d’écrêtement  

C’est-à-dire que le volume demandé par les fournisseurs est supérieur à au volume alloué d’ARENH. La demande initiale est donc réduite, cette perte de volume ARENH est compensée par le marché de gros où les tarifs sont moins compétitifs et plus fluctuants.

Le TRVE est composé d’électricité venant de l’ARENH (42 €/MWh) et des marchés de gros. Les consommateurs ne bénéficient donc plus de tarifs stables.

D’après la CRE, la hausse du TRVE (appelé communément « tarifs bleus ») a été contenue à 4 % au 1er février, contre 44,5 % si le gouvernement n’avait pas agi.  

La cause principale de cette hausse serait l’écrêtement de l’ARENH à 41,6 % du prix hors taxe. Sans ce dernier, la hausse aurait été de 7,7 % HT. 

À la lecture de ces chiffres on pourrait se dire que : 

Plus il y a de concurrents, plus il y a de demandes ARENH, plus il y a d’écrêtements plus les tarifs augmentent donc supprimons la concurrence. C’est ce raisonnement syllogisme que nous entendons partout en ce moment, sauf que… 

L’ARENH amplifie la hausse du TRVE de par son fonctionnement 

Pour comprendre l’amplification par l’ARENH de la hausse, arrêtons-nous sur le calcul du TRVE : 

• Détermination du volume ARENH : ce volume dépend du profil de consommation (environ 68% de la consommation est éligible à l’ARENH) 
• Détermination du prix pour le complément marché de gros : il s’agit de la moyenne des prix horaires suivant un profil spécifique sur les 2 dernières années 
• Achat du complément de volume restant : ce complément est acheté à la suite de l’écrêtement ARENH en décembre sur une période très courte (15 jours).

Conséquences 

Pour l’année 2022, ce qui rend l’impact de l’écrêtement aussi important est la différence entre le prix du complément marché (environ 80 €/MWh) et celui du complément ARENH (256 €/MWh). Finalement, sans écrêtement et donc en cas d’un complément marché à 80 €/MWh, le TRVE aurait augmenté d’environ 10 %. Ce n‘est donc pas la concurrence qui est responsable des fortes hausses mais plutôt l’ARENH qui ne protège plus les consommateurs. 

Pourquoi les entreprises ne bénéficient-elles plus de l’ambition initiale de l’ARENH ? 

Les enjeux de l’ARENH étaient, en grande partie, d’encourager la concurrence sur le marché de détail* tout en faisant bénéficier les consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire français.” 

Seulement, les entreprises prennent connaissance de leur budget énergie à un mois du début de l’année. Comment peuvent-elles budgétiser ou répercuter les hausses sur leurs produits ? 

Dans un contexte économique et politique déjà très complexe, le mécanisme de l’écrêtement ajoute de l’incertitude aux entreprises qui peinent à souscrire sur du long terme pour se sécuriser. 

*Le marché de détail fournit en énergie les clients finaux (par opposition au marché de gros)