Mardi 28 juin, depuis le G7 en Bavière, Macron a vivement critiqué le fonctionnement du marché européen de l’électricité, le qualifiant d’absurde “honnêtement, ce sont les Shadoks” ; faisant donc par-là, une référence à la série d’animation absurde des années 60.
Emmanuel Macron reproche au marché européen de l’électricité de baser son prix sur celui du gaz, nous rendant dépendants de prix très élevés au vu du contexte actuel. C’est d’ailleurs le même discours qu’avait tenu la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, en déclarant en octobre 2021 que : “si les prix de l’électricité sont élevés, c’est en raison des prix élevés du gaz”. Ici, la sphère politique s’attaque à la conséquence et non pas à la cause du problème, ce qui nous entraîne dans une faillite collective ; voici pourquoi.
Merit order : la réalité technique du marché de l’électricité a mauvaise presse politique
La sphère politique critique vivement le fonctionnement du marché. Macron ou Leyen, pour ne citer qu’eux, reprochent le fait que le prix de l’électricité soit indexé sur celui du gaz. Le fonctionnement du marché est, il faut l’admettre, très complexe. Et si nous prenions donc le temps de l’expliquer avant d’en relever ses défauts ?
C’est quoi le merit order ?
Le marché européen de l’électricité est basé sur le principe de la préséance économique (merit order). La logique ? Appeler les différentes sources de production d’électricité dans l’ordre des coûts marginaux croissants. La dernière centrale appelée fixe le prix de vente de toutes les unités de production.
Suivant cette logique, les premières unités de production sont appelées dans l’ordre suivant :
- Hydraulique au fil de l’eau, éolien et solaire : celles produisant de l’électricité dite fatale (perdue si non utilisée) ;
- Les centrales nucléaires, produisant à coût marginaux faibles ;
- Les centrales fonctionnant au charbon, au gaz et au fioul.
Ce sont ces dernières qui produisent de l’électricité aux pics de consommation. Les prix de l’électricité ne sont donc pas indexés sur ceux du gaz, ils pourraient l’être tout autant sur le charbon ou le fioul.
L’Agence européenne des régulateurs de l’énergie (Acer) adoube le fonctionnement du marché
En avril dernier, l’Acer sortait son tant attendu rapport sur le fonctionnement du marché européen de l’électricité. Le message est clair, la conception actuelle du marché de gros “garantit un approvisionnement en électricité efficace et sûr dans des conditions de marché relativement « normales » » (c’est sa raison d’être) et « mérite d’être conservée ». Le rapport indique également que le contexte de crise et de guerre que nous vivons ne justifie pas de le refondre radicalement.
Que se passe-t-il lorsque les prix sont plafonnés ?
La proposition faite par la France mais également l’Espagne, le Portugal et désormais l’Europe est celle d’un prix plafond afin de garantir un coût raisonnable pour les consommateurs.
Comment une centrale à gaz qui coûte 100 pourrait-elle accepter de mettre à disposition sa production pour un prix plafonné à 70 ? L’expérience a brièvement été tentée en Australie et la situation était tellement chaotique que le régulateur australien a stoppé le marché et a pris le contrôle depuis la mi-juin.
En vous figurant son fonctionnement, le marché n’est donc pas une sphère obscure produisant des prix de manière absurde. Il n’est pas le responsable de la situation actuelle car il n’en est que le signal. Il faut se rapprocher des signaux de fumée pour savoir d’où ils viennent.
La vérité est que le marché n’est pas rassuré par la politique
Le prix de l’énergie est haut pour différentes raisons : reprise économique post covid entraînant un déséquilibre entre l’offre et la demande, stocks de gaz très faibles en Europe, réacteurs à l’arrêt au pire moment…
En réduisant la CSPE en tout début d’année, le gouvernement a gelé, pour 2022, l’augmentation du TRVE à 4 %. Seulement, en agissant de la sorte, le prix ne reflète pas la réalité. Si le consommateur ne rencontre jamais le prix réel de l’énergie, comment sait-il qu’il faut économiser ?
La réalité technique versus le discours politique
Bien qu’à certains égards, quelque peu ironique, la récente tribune des trois plus gros fournisseurs d’énergie français, fait un constat et un appel en ligne avec la réalité. En effet, les dirigeants de Total Energie, EDF et Engie, appellent les Français à réduire leur consommation d’énergie car celle-ci va manquer très certainement l’hiver prochain.
Le risque est réel, les ressources vont manquer, les coupures vont très probablement arriver, des industriels vont devoir mettre en place des stratégies d’effacement, c’est à dire de couper leur activité pour ne pas consommer.
La réaction politique tarde à arriver. En ignorant la réalité, en n’évoquant jamais ou si peu ces risques de coupures, en ne lançant aucun plan, la sphère politique ne rassure pas le marché. Ce dernier attend une réactivité, un réalisme et des décisions qui n’arrivent pas et réagit donc avec des prix haussiers. Nous sommes en faillite collective.