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25 juillet 2024

Les JO de Paris 2024 : un exemple de management énergétique ?

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Après de longues années d’attente, les Jeux olympiques de Paris 2024 vont commencer ce vendredi 26 juillet avec la cérémonie d’ouverture sur la Seine. Il s’ensuivra deux semaines de compétitions, puis dix jours de Jeux paralympiques un mois plus tard. 

Les chiffres d’un tel événement international donnent le tournis. Il devrait réunir environ 15 000 athlètes, dans plus de 800 épreuves, sur 35 sites différents (de Tahiti au stade Pierre-Mauroy de Lille), pour un total espéré de 10 millions de billets vendus. 

Pour autant, le comité d’organisation de ces JO 2024 l’a promis dès son dossier de candidature, avec une division par deux des gaz à effet de serre émis : ces Jeux seront vertueux. Mais comment une industrie sportive de cette ampleur peut-elle l’être ? En quoi les JO 2024 sont-ils une vitrine de la transition écologique ? Les sportifs français peuvent-ils inspirer les entreprises et les industriels de l’Hexagone à intégrer des actions de la transition énergétique ? 

Mise à l’épreuve des Jeux olympiques avant leur coup d’envoi par le skateboard, le canoë, l’escrime, la gymnastique, le cyclisme et le judo. 

Une électricité renouvelable promise

C’est le premier axe sur lequel le comité d’organisation des Jeux a souhaité appuyer. L’approvisionnement électrique sera issu uniquement de sources renouvelables. Cette promesse se heurte toutefois à la réalité du terrain des électrons. On ne peut assurer que le mouvement électrique provient réellement et directement d’une éolienne ou d’une centrale solaire ou hydroélectrique, même si des installations photovoltaïques ont été placées sur le toit des sites olympiques, sauf en autoconsommation directe. 

Il existe néanmoins une parade, aussi sublime qu’un Brice Guyart sûr de lui face à son adversaire : la garantie d’origine. Avec ce système, Paris 2024 pourra au moins assurer qu’autant de mégawattheures d’origine renouvelable ont été injectés dans le réseau que ceux consommés au cours des différents événements sportifs. Toujours mieux que rien. 

Une sobriété de l’existant

Les Jeux de Paris dépenseront moins d’énergie et moins de matériaux que les précédents. La promesse a été écrite : « Nous avons cherché à réduire tout ce qui peut être réduit, pour des Jeux qui émettent moins de carbone et consomment moins de ressources. » 

Comment faire pour baisser l’empreinte énergétique d’un événement sportif gigantesque tout en assurant le spectacle pour le public présent et pour les téléspectateurs en mondovision ?
Pour les équipements sportifs, l’organisation a compté sur l’utilisation de sites existants. Le bassin de canoë-kayak de Vaires-sur-Marne a été aménagé au niveau d’un lieu déjà utilisé pour l’aviron. D’autres ont été conçus pour être réutilisables.
L’Arena de Nanterre, habituellement salle de concert ou terrain de rugby, va devenir pour quelques semaines une piscine olympique. Et après les Jeux ?
La ville de Sevran réutilisera le bassin de compétition, celle de Bagnolet la moitié du bassin d’entraînement.
 

Au total, 95 % des infrastructures existaient déjà ou seront réutilisées. Une manière de profiter de la force du courant pour limiter les efforts, à la manière d’une descente de Marjorie Delassus sur les eaux vives. 

Une efficacité… relative mais surtout durable

Dans la même logique, l’accent a été mis sur la durabilité des bâtiments et leur écoconception. Le village des athlètes en Seine-Saint-Denis a été construit avec une économie de 30 % d’émissions carbone par rapport aux constructions classiques. Après les Jeux, ce village sera transformé en écoquartier pouvant accueillir jusqu’à 12 000 personnes. De plus, les sites s’appuient sur de nouvelles sources d’énergie, comme la géothermie pour produire du chaud et du froid. 

Plus globalement, pour l’ensemble des sites, la Société de livraison des ouvrages olympiques estime que les constructions atteignent une baisse de 47 % de l’impact carbone par rapport à une construction classique. Le comité d’organisation a promis des émissions carbone de l’ordre de 1,58 million de tonnes pour l’ensemble des événements. C’est à peine moins que les habitants de Rennes pendant une année entière, lorsque les Jeux olympiques et paralympiques dureront 28 jours. 

Cependant, outre la durabilité des équipements, les JO 2024 assurent de la pérennité des efforts consentis par la transmission d’un retour d’expérience aux prochains organisateurs. C’est par la répétition que l’on parvient à accomplir des exploits, qu’on gagne en efficacité, ou que l’on parvient comme Vincent Milou à enfin placer son heelflip.
Avec en plus la pirouette de la réutilisation pour que ces efforts ne soient pas vains, on se rapproche même de la gymnaste Mélanie de Jesus dos Santos. C’est virevoltant et ça retombe toujours sur ses jambes, avec la médaille d’or dans le viseur. 

Les transports, point sensible des événements sportifs

En invitant des sportifs du monde entier, les Jeux entraînent irrémédiablement des déplacements substantiels. Le transport, deuxième secteur énergivore en France et particulièrement dépendant du pétrole, a logiquement été au cœur des préoccupations. 

Pour réduire cet impact, les JO 2024 misent sur le fait de « montr[er] l’exemple », comme l’explique Georgina Grenon à l’Ademe. « Certaines délégations, comme les Anglais, les Néerlandais, les Belges et les Suisses, viendront en train. » Sur place, des véhicules et des bus électriques doivent permettre aux athlètes de circuler facilement d’un site à l’autre sur la “voie olympique”. 

Mais au-delà des sportifs, c’est aussi la question des déplacements du public drainé autour des Jeux – environ 800 000 personnes par jour. Pour limiter leur empreinte carbone, au moins depuis Paris, tous les sites des JO se doivent donc d’être accessibles en transports en commun et par des pistes cyclables. 

Cependant, outre la question polémique des taxis volants ou les dysfonctionnements relevés sur le réseau, se pose malgré tout la question du trafic aérien déployé pour les spectateurs des Jeux. Julian Alaphilippe va devoir pédaler dur sur les côtes de la butte Montmartre pour rattraper ça et montrer l’exemple, à son tour. 

Le réseau électrique pour éviter les énergies fossiles

C’est peu connu mais, comme les voitures, l’industrie sportive française est gourmande… en diesel. Habituellement, à chaque journée de Ligue 1, des groupes électrogènes tournent à plein régime en France. Nicolas Perrin, directeur d’Enedis à Paris, résume ainsi le problème à l’AFP : « Un soir de match de foot, 4 000 litres de gazole sont consommés et 12 tonnes équivalent de CO2 (tCO2eq) rejetées dans l’atmosphère. » 

Les stades de football, même récents comme à Bordeaux, ont pris cette habitude pour éviter la coupure. Pour les JO 2024, en coopération avec Enedis, l’organisation a donc demandé des efforts et des investissements pour permettre une alimentation fournie par le réseau électrique en priorité, avec des lignes de secours. Grâce au mix de production français, ce principe assure pratiquement, en été, d’une énergie décarbonée avec l’appui des centrales solaires, éoliennes et nucléaires. 

Cette envie résume le principe d’électrification des usages pour modifier le mix énergétique global. Le problème n’est pas tellement l’électricité. Il s’agit de la consommation d’énergie au-delà de l’électricité. La transition énergétique, c’est une prise de judo au niveau national. Il s’agit de renverser la consommation, telle une adversaire de Clarisse Agbegnenou, pour profiter de sa force et mieux décarboner. L’effort pour y arriver s’annonce colossal. Cette inversion du rapport de force pour laisser les fossiles dehors sera difficile. Mais les Jeux en valent certainement la chandelle. 

 

Maintenant, pour réussir cette transition et ces Jeux, il va donc falloir battre des records. Dans toutes les disciplines, dans toutes les activités, dans toutes les industries. Dans tous les domaines de l’énergie, de l’intégration du biogaz à la flexibilité électrique pour mettre au repos les groupes électrogènes et les centrales fossiles. 

Il faut s’y entraîner dès maintenant pour y parvenir au plus vite. Et que la France récupère la médaille d’or de la transition énergétique promise. Chiche ?