Avez-vous déjà suivi la consommation et la production d’électricité en temps réel pour la France ? Rien n’est plus simple. Tous les jours, sur Eco2mix, RTE publie ces courbes qui se suivent et se ressemblent.

Mais comment fait-on pour avoir ces données en temps réel ? Une grande partie de la réponse réside dans les télémesures opérées par RTE et qui lient réseaux électriques et données informationnelles. Ces dernières reviennent jusqu’à l’opérateur grâce à ce qu’on appelle les réseaux intelligents, ou smart grids pour les plus anglophones.

En ajoutant quelques estimations calculées par rapport aux télémesures, RTE est capable de dire à l’instant T quel est le niveau de la consommation en France, mais aussi la production par filière (nucléaire, hydraulique, éolien, gazier…), la part dédiée aux exportations, le stockage, etc.

Ces données sont associées aux prévisions à J-1 et du jour même et peuvent ainsi être surveillées de près. Elles sont importantes pour la filière, car elles donnent à voir l’équilibre du réseau entre offre et demande et les variations importantes de consommation, donnant une indication quant à l’évolutions du prix spot. Elles mettent aussi en avant, jour après jour, l’importance des pics de consommation en France – plus encore lors des jours PP1-PP2.

Courbes de consommation de l'électricité en France du 20 au 26 janvier 2025

Consommation électrique en France sur la semaine du 20 au 26 janvier 2025, marquée par trois jours PP1-PP2. (Source : RTE)

Toutes ces infos, diffusées dans le réseau électrique, sont des outils essentiels dans la transition énergétique, le développement de la flexibilité, la sécurisation de l’approvisionnement électrique et même pour la réduction des coûts d’entretien du réseau.

Découvrez comment les smart grids nous aident à redéfinir la gestion énergétique à l’heure de la big data et des objets connectés.

Définition des smart grids

Qu’est-ce qu’un smart grid… n’est pas ?

Tout d’abord, il faut le préciser : un smart grid n’est pas un nouveau réseau qui vient se superposer ou remplacer un ancien réseau électrique ou gazier. Au contraire, le réseau originel demeure. Ce qui est modifié, c’est son utilisation.

Au lieu de transporter seulement un courant électrique, on vient y ajouter d’autres informations… qui seront au service de ce réseau. Autant utiliser l’existant plutôt que de faire intervenir quelqu’un, non ? C’est moins cher et tout aussi efficace.

En France, tout cela se fait grâce à la technologie CPL (courant porteur en ligne), la même qui peut vous permettre de faire circuler la fibre au sein de votre réseau électrique dans votre domicile ou dans vos bureaux.

Mais alors, qu’est-ce qu’un smart grid ?

Pour le dire simplement, un réseau intelligent est un réseau qui se rapproche de l’humain en apprenant la parole. Il communique. Il échange des informations. Il sait se faire comprendre. Il ne lui manque que l’humour pour atteindre le propre de l’homme.

Car le réseau électrique peut transporter avec lui d’autres choses que les électrons, notamment en utilisant d’autres fréquences que les 50 hertz réservés à l’électricité. Après tout, vous n’avez pas la même émission sur votre radio analogique – si vous en avez encore une – pour déguster votre tartine beurrée et votre café le matin selon que vous soyez sur 95.7 ou 102.3.

Eh bien c’est pareil pour les smart grids. Mais cette fois-ci, vous n’entendez rien. Il s’agit simplement de petites lignes de code qui se baladent d’un système à un autre sur cette nouvelle fréquence. Avec cette information en plus, le réseau parle d’un transmetteur à un autre. Il devient donc… intelligent, sans rien faire de plus qu’avant que de transporter ce qu’on lui demande.

En fait, un smart grid est un ensemble de capteurs, automates et compteurs connectés. Tout ce réseau récupère et transmet des informations liées à l’électricité ou au gaz. Ces capteurs se situent le plus souvent sur des points de tension, comme les postes d’injection, les transformateurs, etc. pour communiquer en continu mais aussi donner l’alerte rapidement si nécessaire.

Historique et évolution des réseaux électriques intelligents

Quand les réseaux électriques et gaziers français sont-ils devenus intelligents ?

Les smart grids ne datent pas d’aujourd’hui. La technologie CPL était déjà envisagée pour certains usages comme le relevé des compteurs à la fin du XIXe siècle, bien avant l’Internet ! Dès les années 1950, le réseau électrique a été mis à contribution pour transporter avec lui des informations et commander à distance des usages tels que l’éclairage public.

Bien sûr, le sujet a pris de l’ampleur avec le déploiement des services connectés et la numérisation des sociétés occidentales. Ainsi, en 2015, Enedis – encore sous le nom ERDF – évoquait le sujet dans une vidéo YouTube dans lequel des joueurs agitent leur wiimote, montrant comment les foyers se sont à la fois électrifiés et numérisés.

En fait, dès 2009, une directive européenne prévoyait la mise en place de systèmes de comptage intelligents dans l’ensemble des pays membres pour généraliser les smart grids. Le plus connu pour nous est le compteur Linky, utilisé pour les particuliers et les compteurs à faible puissance. Pour les industriels, Enedis propose d’autres compteurs spécifiques, mais qui sont également communicants. Leur généralisation, couplée à des poses de capteurs, symbolise le smart grid tricolore d’aujourd’hui.

Quels étaient les objectifs lors de leur développement ?

Si les compteurs intelligents se sont généralisés, c’est parce qu’ils répondent à un problème lié notamment à l’ouverture à la concurrence et à la multiplication des moyens de production de l’électricité.

En effet, avec un réseau centralisé et un acteur unique – EDF ou GDF –, le suivi et le transport des énergies était plus facilement contrôlable. Or, aujourd’hui, le réseau intègre des productions renouvelables bien plus en aval, sur le réseau d’Enedis – et non le réseau haute tension de RTE. En 2024, Enedis a raccordé 240 000 nouvelles installations d’énergies renouvelables !

La production s’est décentralisée, jusqu’aux consommateurs qui peuvent aussi produire de l’énergie. Il devenait donc nécessaire d’avoir les outils pour mesurer l’équilibrage entre l’offre et la demande en temps réel.

De plus, dans une perspective de décarbonation de l’énergie, les réseaux intelligents jouent un rôle moteur pour réduire l’empreinte environnementale de l’utilisation de l’électricité. Ils affinent le pilotage de la consommation et de la production, évitant au maximum le recours à des énergies fossiles.

Enfin, grâce à cette utilisation plus maîtrisée des réseaux, les smart grids sont une promesse de limitation des coûts de l’énergie pour les consommateurs. Ils évitent de faire appel à des centrales très coûteuses, sauf lorsque cela devient nécessaire.

Pourquoi les smart grids sont-ils essentiels aujourd’hui ?

1/ Pour optimiser les raccordements

Que ce soit pour limiter la puissance injectée par rapport à un nouvel outil de production renouvelable, intermittente, ou surtout pour l’ajuster en fonction des productions globales, les réseaux intelligents sont précieux. Ils permettent aussi de mieux dimensionner le réseau pour de nouveaux points de livraison, comme ceux à destination des recharges de véhicule électrique. C’est tout l’écosystème qui devient plus intelligent.

2/ Pour faciliter la transition énergétique

Les réseaux intelligents jouent un rôle primordial dans l’intégration de nouveaux moyens de production dans le réseau électrique, qui plus est avec une production variable et sensible à la météo. Ils permettent de connaître en temps réel les variations et les modulations de la production d’une éolienne, d’un barrage, d’une centrale photovoltaïque… et que cette info soit accessible pour agir en conséquence.

3/ Pour réduire les pertes énergétiques

La présence de capteurs sur des points clés du réseau électrique ou gazier permet aussi de mettre en évidence des anomalies, comme des pertes énergétiques soudainement importantes. Le smart grid est ainsi utile aux gestionnaires du réseau pour anticiper des défaillances et avoir une maintenance plus fine… voire prédictive.

4/ Pour anticiper la hausse des besoins électriques

Limiter les besoins supplémentaires en électricité demande de l’efficacité. Cela passe notamment par une modulation de la consommation d’énergie en fonction de l’offre disponible : la flexibilité, qu’elle soit à la hausse (sur les périodes propices) ou à la baisse (en cas de pic de consommation). Le smart grid incite dès lors les objets connectés à consommer sur les heures de production les moins chères, les heures creuses, comme au milieu de la nuit ou en début d’après-midi. Pour le faire simple : la mise en route de votre chauffe-eau sans action de votre part, c’est grâce au smart grid.

Quels avantages peuvent avoir les smart grids pour un consommateur professionnel ?

Limiter les pannes et leur durée

Les pannes peuvent être plus facilement détectées, par exemple si des compteurs Linky n’envoient soudainement plus leur signal de présence. Enedis peut également l’utiliser pour faire de la maintenance prédictive, en fonction des analyses statistiques menées grâce aux données des compteurs.

Surtout, grâce aux informations des smart grids, les gestionnaires de réseau peuvent réagir rapidement et parfois à distance lorsque qu’une panne est détectée. Pour vous, en tant que professionnel, c’est une assurance de stabilité et de fiabilité du réseau électrique. Même lorsque vos besoins en gaz ou en électricité sont minimes, travailler avec du courant pour s’éclairer et se chauffer, c’est quand même mieux.

L’accès à des offres sur mesure

Les compteurs intelligents de type Linky laissent la place à dix « index fournisseurs ». Concrètement, cela signifie que les fournisseurs d’énergie peuvent aujourd’hui proposer des contrats avec des prix plus variables en fonction de l’équilibre entre offre et demande, au-delà du simple heures pleines et heures creuses. Ces offres seraient plus proches du coût réel de l’électricité selon vos heures de consommation. Cela peut être très avantageux avec certains profils énergétiques.

Pour aider les fournisseurs, la CRE dans le développement des smart grids a mis en place un « bac à sable règlementaire ». Il permet de tester grandeur réel des dispositifs innovants de tarification liés aux smart grids. Il s’agit par exemple de la flexibilité à la hausse, en cas de prix très bas sur le marché spot, développé par Acciona Energía – partenaire de Collectif Énergie.

Enfin, un compteur intelligent permet de connaître plus précisément la puissance électrique dont vous avez généralement besoin. Alors qu’un compteur classique permettait de souscrire à une puissance allant de 3 en 3 (6 kVA, 9 kVa, etc.), le compteur Linky peut être plus précis. Les abonnements proposés par les fournisseurs d’électricité s’y adaptent, ce qui permettra également d’optimiser des taxes comme le Turpe. Pour le consommateur et pour la gestion du réseau, c’est déjà gagnant-gagnant avec ces mesures plus fines.

Une gestion de l’énergie plus efficace et responsable

L’accès aux smart grids, c’est aussi apprendre à être plus flexible sans l’apprendre. Car, en fait, ils vont de pair avec une utilisation intelligente des appareils électroniques : chauffage, éclairage, machines, domotique… C’est tout cet ensemble, qui apporte du confort à vos salariés, qui peut être optimisé par un réseau intelligent.

Les informations qu’il offre, notamment quant à l’équilibre entre offre et demande, permettent de mettre en route certains usages au meilleur des moments. Pourquoi ne pas préchauffer votre bâtiment à la fin de la nuit, lorsque les prix sont bas, pour accueillir tous vos collaborateurs à 19 °C sans mettre en route vos chauffages en plein pic de consommation de 8 h 30 ?

Dans le tertiaire, un smart grid va ainsi pouvoir communiquer avec un système GTB (gestion technique du bâtiment) pour, petit à petit, déterminer les meilleures plages horaires pour chauffer vos locaux ou pour réduire la puissance de l’éclairage au strict nécessaire. Vous allez rapidement gagner en efficacité énergétique et baisser votre consommation.

Enfin, les smart grids sont au service de l’autoconsommation. Ils permettent d’aligner tous les niveaux de production d’électricité, même le vôtre, et d’agir sur l’optimisation de votre consommation… et au final de vos factures. Ce que vous ne consommerez pas à l’extérieur, vous ne l’achèterez pas.

Un cas révélateur : les smart cities

Par conséquent, les smart grids se rendent utiles à des échelles très différentes. Si de nombreuses grandes villes les ont d’ores et déjà adoptés pour réduire leur consommation, ils s’adaptent à des territoires plus vastes encore.

Par exemple, le Finistère a lancé une démarche de territoire connecté portée par un syndicat d’énergie. Il propose de piloter autant l’éclairage public que la gestion des déchets ou de l’eau potable. Au niveau des bâtiments publics, le résultat serait d’environ 20 % d’économies réalisées.

Défis et limites des smart grids

Les smart grids garantissent-ils la confidentialité de vos données ?

En France, la question de la sécurisation des données et de la cybersécurité est évidemment sous la surveillance de la Cnil. Enedis, en charge du déploiement des compteurs intelligents, a travaillé sur cet aspect essentiel pour garantir l’anonymat et le cryptage des données fournies par Linky.

D’une manière générale, les compteurs transmettent peu d’informations. Elles sont limitées à l’essentiel pour le consommateur et les acteurs du réseau. Sans accord, la consommation transmise au fournisseur ou à un tiers ne peut d’ailleurs descendre au niveau du pas horaire ou à un niveau inférieur (souvent la demi-heure, parfois toutes les dix minutes).

Par conséquent, si vous voulez faire appel à un energy manager qui étudiera votre profil énergétique, le réseau énergétique intelligent sera capable de fournir tout ce dont il aura besoin. Mais vous devrez au préalable l’autoriser à recueillir ces informations. Sans cela, il n’aura pas accès à votre consommation précise.

Les smart grids face à l’intégration des renouvelables

Les réseaux intelligents sont une part non négligeable des outils nécessaires aux nouvelles sources de production installées partout sur le territoire. Compte tenu de leur maillage plus fin, parfois au plus proche du consommateur, les énergies renouvelables posent de nouveaux défis aux gestionnaires du réseau.

Généralement, ces centrales sont d’ailleurs reliés plus rapidement, sans passer par les lignes à très haute tension de RTE. Elles arrivent immédiatement sur les câbles d’Enedis ou des entreprises locales de distribution (ELD). Il y a donc une gestion supplémentaire à prévoir pour ce réseau et de nouveaux raccordements, ce qui aura un coût.

Enedis prévoit d’ailleurs une augmentation de ses dépenses d’investissements, jusqu’à 5,4 milliards en 2027. Cela s’est donc traduit par une hausse de 7,7 % du Turpe (tarif d’acheminement de l’électricité) sur sa nouvelle période tarifaire, dès le 1er février 2025.

Jouer un rôle moteur dans l’injection et la redistribution du courant

Le développement prévu de la mobilité électrique va de pair avec une meilleure utilisation des smart grids pour rendre les réseaux bidirectionnels. Grâce aux données de l’équilibre entre offre et demande, les voitures pourraient se recharger uniquement sur des périodes de prix favorables, mais aussi injecter à leur tour des électrons lorsque les prix remontent.

Ainsi, les voitures pourraient devenir de véritables petites batteries d’urgence, mobilisables lorsque la production est en baisse et que les prix augmentent. Mais pour cela, il faut donc une gestion fine et coordonnée des données transmises par les smart grids.

Avoir des données fiables et mobilisables par tous

Dès lors, l’open data est l’une des clés de voûte du système des smart grids. Ce libre accès aux informations essentielles permet que chaque acteur puisse tenir compte des besoins ou des difficultés du réseau en temps réel et de s’adapter vite.

Cela va du producteur d’électricité, qui pourra parfois moduler la puissance de son parc selon la demande, au marché de gros qui modifie son signal prix quasi en temps réel. Ainsi, en parallèle du marché spot qui établit un prix pour le lendemain, EPEX Spot propose aujourd’hui des prix « intraday » pouvant être actualisés toutes les demi-heures.

Par conséquent, puisque le prix de l’électricité peut s’adapter sur un temps très court à l’équilibre entre offre et demande, le consommateur doit pouvoir aussi s’adapter. Il faut donc que les données soient accessibles, qu’elles se diffusent et que les machines puissent les lire. Des données ouvertes, partagées, permettent aussi aux fabricants d’implémenter des outils de flexibilité électrique dans leurs machines en s’appuyant sur l’internet des objets (IoT).

Le smart grid, une promesse de réduction des coûts financiers

Finalement, les réseaux électriques se complexifient actuellement avec l’intégration de centrales décentralisées ou de multiples capteurs. Ils coûtent donc plus chers compte tenu de leur maillage toujours plus dense. Mais cet ajout des technologies de l’information et de la communication évite aussi certains travaux de maintenance. Le coût d’entretien du réseau devrait donc, à terme, se stabiliser. De plus, les smart grids lissent une partie de la consommation pour éviter des pics trop importants. Ils limitent dès lors le besoin en énergies fossiles et réduisent les coûts de production.

Surtout, pour les entreprises, les smart grids offrent une possibilité de gains financiers non négligeables pour les entreprises grâce au pilotage de leur consommation. Car l’intégration des énergies renouvelables dans le mix énergétique pose un défi nouveau : choisir le bon moment pour consommer. Il ne s’agit plus d’avoir une énergie abondante et continue, qu’on paie à prix fixe et qu’on consomme comme bon nous semble, mais de mieux et moins consommer.

… que les entreprises peuvent optimiser !

Or, le déploiement d’un smart grid est un allié précieux pour développer en parallèle des systèmes de stockage, de pompage, de pilotage de la consommation intelligents. La voiture électrique est un appui parmi d’autres. Les entreprises énergivores, notamment, peuvent adapter leurs process grâce aux informations données par un smart grid… et finalement, à terme, consommer à un meilleur prix et en polluant moins.

Qu’on se le dise : la flexibilité développée grâce aux conseils d’un réseau intelligent – et de conseillers énergie avisés ! –, c’est la future stratégie gagnant-gagnant-gagnant de la gestion énergétique.

Article rédigé par Côme Tessier

Rédacteur web pour Collectif Énergie, je m’évertue à glisser des touches sportives ou des notes sucrées pour rendre plus accessibles les sujets liés à l’énergie. Sans jamais oublier de traquer les doubles espaces qui perturbent la lecture.

Avez-vous déjà suivi la consommation et la production d’électricité en temps réel pour la France ? Rien n’est plus simple. Tous les jours, sur Eco2mix, RTE publie ces courbes qui se suivent et se ressemblent.

Mais comment fait-on pour avoir ces données en temps réel ? Une grande partie de la réponse réside dans les télémesures opérées par RTE et qui lient réseaux électriques et données informationnelles. Ces dernières reviennent jusqu’à l’opérateur grâce à ce qu’on appelle les réseaux intelligents, ou smart grids pour les plus anglophones.

En ajoutant quelques estimations calculées par rapport aux télémesures, RTE est capable de dire à l’instant T quel est le niveau de la consommation en France, mais aussi la production par filière (nucléaire, hydraulique, éolien, gazier…), la part dédiée aux exportations, le stockage, etc.

Ces données sont associées aux prévisions à J-1 et du jour même et peuvent ainsi être surveillées de près. Elles sont importantes pour la filière, car elles donnent à voir l’équilibre du réseau entre offre et demande et les variations importantes de consommation, donnant une indication quant à l’évolutions du prix spot. Elles mettent aussi en avant, jour après jour, l’importance des pics de consommation en France – plus encore lors des jours PP1-PP2.

Courbes de consommation de l'électricité en France du 20 au 26 janvier 2025

Consommation électrique en France sur la semaine du 20 au 26 janvier 2025, marquée par trois jours PP1-PP2. (Source : RTE)

Toutes ces infos, diffusées dans le réseau électrique, sont des outils essentiels dans la transition énergétique, le développement de la flexibilité, la sécurisation de l’approvisionnement électrique et même pour la réduction des coûts d’entretien du réseau.

Découvrez comment les smart grids nous aident à redéfinir la gestion énergétique à l’heure de la big data et des objets connectés.

Définition des smart grids

Qu’est-ce qu’un smart grid… n’est pas ?

Tout d’abord, il faut le préciser : un smart grid n’est pas un nouveau réseau qui vient se superposer ou remplacer un ancien réseau électrique ou gazier. Au contraire, le réseau originel demeure. Ce qui est modifié, c’est son utilisation.

Au lieu de transporter seulement un courant électrique, on vient y ajouter d’autres informations… qui seront au service de ce réseau. Autant utiliser l’existant plutôt que de faire intervenir quelqu’un, non ? C’est moins cher et tout aussi efficace.

En France, tout cela se fait grâce à la technologie CPL (courant porteur en ligne), la même qui peut vous permettre de faire circuler la fibre au sein de votre réseau électrique dans votre domicile ou dans vos bureaux.

Mais alors, qu’est-ce qu’un smart grid ?

Pour le dire simplement, un réseau intelligent est un réseau qui se rapproche de l’humain en apprenant la parole. Il communique. Il échange des informations. Il sait se faire comprendre. Il ne lui manque que l’humour pour atteindre le propre de l’homme.

Car le réseau électrique peut transporter avec lui d’autres choses que les électrons, notamment en utilisant d’autres fréquences que les 50 hertz réservés à l’électricité. Après tout, vous n’avez pas la même émission sur votre radio analogique – si vous en avez encore une – pour déguster votre tartine beurrée et votre café le matin selon que vous soyez sur 95.7 ou 102.3.

Eh bien c’est pareil pour les smart grids. Mais cette fois-ci, vous n’entendez rien. Il s’agit simplement de petites lignes de code qui se baladent d’un système à un autre sur cette nouvelle fréquence. Avec cette information en plus, le réseau parle d’un transmetteur à un autre. Il devient donc… intelligent, sans rien faire de plus qu’avant que de transporter ce qu’on lui demande.

En fait, un smart grid est un ensemble de capteurs, automates et compteurs connectés. Tout ce réseau récupère et transmet des informations liées à l’électricité ou au gaz. Ces capteurs se situent le plus souvent sur des points de tension, comme les postes d’injection, les transformateurs, etc. pour communiquer en continu mais aussi donner l’alerte rapidement si nécessaire.

Historique et évolution des réseaux électriques intelligents

Quand les réseaux électriques et gaziers français sont-ils devenus intelligents ?

Les smart grids ne datent pas d’aujourd’hui. La technologie CPL était déjà envisagée pour certains usages comme le relevé des compteurs à la fin du XIXe siècle, bien avant l’Internet ! Dès les années 1950, le réseau électrique a été mis à contribution pour transporter avec lui des informations et commander à distance des usages tels que l’éclairage public.

Bien sûr, le sujet a pris de l’ampleur avec le déploiement des services connectés et la numérisation des sociétés occidentales. Ainsi, en 2015, Enedis – encore sous le nom ERDF – évoquait le sujet dans une vidéo YouTube dans lequel des joueurs agitent leur wiimote, montrant comment les foyers se sont à la fois électrifiés et numérisés.

En fait, dès 2009, une directive européenne prévoyait la mise en place de systèmes de comptage intelligents dans l’ensemble des pays membres pour généraliser les smart grids. Le plus connu pour nous est le compteur Linky, utilisé pour les particuliers et les compteurs à faible puissance. Pour les industriels, Enedis propose d’autres compteurs spécifiques, mais qui sont également communicants. Leur généralisation, couplée à des poses de capteurs, symbolise le smart grid tricolore d’aujourd’hui.

Quels étaient les objectifs lors de leur développement ?

Si les compteurs intelligents se sont généralisés, c’est parce qu’ils répondent à un problème lié notamment à l’ouverture à la concurrence et à la multiplication des moyens de production de l’électricité.

En effet, avec un réseau centralisé et un acteur unique – EDF ou GDF –, le suivi et le transport des énergies était plus facilement contrôlable. Or, aujourd’hui, le réseau intègre des productions renouvelables bien plus en aval, sur le réseau d’Enedis – et non le réseau haute tension de RTE. En 2024, Enedis a raccordé 240 000 nouvelles installations d’énergies renouvelables !

La production s’est décentralisée, jusqu’aux consommateurs qui peuvent aussi produire de l’énergie. Il devenait donc nécessaire d’avoir les outils pour mesurer l’équilibrage entre l’offre et la demande en temps réel.

De plus, dans une perspective de décarbonation de l’énergie, les réseaux intelligents jouent un rôle moteur pour réduire l’empreinte environnementale de l’utilisation de l’électricité. Ils affinent le pilotage de la consommation et de la production, évitant au maximum le recours à des énergies fossiles.

Enfin, grâce à cette utilisation plus maîtrisée des réseaux, les smart grids sont une promesse de limitation des coûts de l’énergie pour les consommateurs. Ils évitent de faire appel à des centrales très coûteuses, sauf lorsque cela devient nécessaire.

Pourquoi les smart grids sont-ils essentiels aujourd’hui ?

1/ Pour optimiser les raccordements

Que ce soit pour limiter la puissance injectée par rapport à un nouvel outil de production renouvelable, intermittente, ou surtout pour l’ajuster en fonction des productions globales, les réseaux intelligents sont précieux. Ils permettent aussi de mieux dimensionner le réseau pour de nouveaux points de livraison, comme ceux à destination des recharges de véhicule électrique. C’est tout l’écosystème qui devient plus intelligent.

2/ Pour faciliter la transition énergétique

Les réseaux intelligents jouent un rôle primordial dans l’intégration de nouveaux moyens de production dans le réseau électrique, qui plus est avec une production variable et sensible à la météo. Ils permettent de connaître en temps réel les variations et les modulations de la production d’une éolienne, d’un barrage, d’une centrale photovoltaïque… et que cette info soit accessible pour agir en conséquence.

3/ Pour réduire les pertes énergétiques

La présence de capteurs sur des points clés du réseau électrique ou gazier permet aussi de mettre en évidence des anomalies, comme des pertes énergétiques soudainement importantes. Le smart grid est ainsi utile aux gestionnaires du réseau pour anticiper des défaillances et avoir une maintenance plus fine… voire prédictive.

4/ Pour anticiper la hausse des besoins électriques

Limiter les besoins supplémentaires en électricité demande de l’efficacité. Cela passe notamment par une modulation de la consommation d’énergie en fonction de l’offre disponible : la flexibilité, qu’elle soit à la hausse (sur les périodes propices) ou à la baisse (en cas de pic de consommation). Le smart grid incite dès lors les objets connectés à consommer sur les heures de production les moins chères, les heures creuses, comme au milieu de la nuit ou en début d’après-midi. Pour le faire simple : la mise en route de votre chauffe-eau sans action de votre part, c’est grâce au smart grid.

Quels avantages peuvent avoir les smart grids pour un consommateur professionnel ?

Limiter les pannes et leur durée

Les pannes peuvent être plus facilement détectées, par exemple si des compteurs Linky n’envoient soudainement plus leur signal de présence. Enedis peut également l’utiliser pour faire de la maintenance prédictive, en fonction des analyses statistiques menées grâce aux données des compteurs.

Surtout, grâce aux informations des smart grids, les gestionnaires de réseau peuvent réagir rapidement et parfois à distance lorsque qu’une panne est détectée. Pour vous, en tant que professionnel, c’est une assurance de stabilité et de fiabilité du réseau électrique. Même lorsque vos besoins en gaz ou en électricité sont minimes, travailler avec du courant pour s’éclairer et se chauffer, c’est quand même mieux.

L’accès à des offres sur mesure

Les compteurs intelligents de type Linky laissent la place à dix « index fournisseurs ». Concrètement, cela signifie que les fournisseurs d’énergie peuvent aujourd’hui proposer des contrats avec des prix plus variables en fonction de l’équilibre entre offre et demande, au-delà du simple heures pleines et heures creuses. Ces offres seraient plus proches du coût réel de l’électricité selon vos heures de consommation. Cela peut être très avantageux avec certains profils énergétiques.

Pour aider les fournisseurs, la CRE dans le développement des smart grids a mis en place un « bac à sable règlementaire ». Il permet de tester grandeur réel des dispositifs innovants de tarification liés aux smart grids. Il s’agit par exemple de la flexibilité à la hausse, en cas de prix très bas sur le marché spot, développé par Acciona Energía – partenaire de Collectif Énergie.

Enfin, un compteur intelligent permet de connaître plus précisément la puissance électrique dont vous avez généralement besoin. Alors qu’un compteur classique permettait de souscrire à une puissance allant de 3 en 3 (6 kVA, 9 kVa, etc.), le compteur Linky peut être plus précis. Les abonnements proposés par les fournisseurs d’électricité s’y adaptent, ce qui permettra également d’optimiser des taxes comme le Turpe. Pour le consommateur et pour la gestion du réseau, c’est déjà gagnant-gagnant avec ces mesures plus fines.

Une gestion de l’énergie plus efficace et responsable

L’accès aux smart grids, c’est aussi apprendre à être plus flexible sans l’apprendre. Car, en fait, ils vont de pair avec une utilisation intelligente des appareils électroniques : chauffage, éclairage, machines, domotique… C’est tout cet ensemble, qui apporte du confort à vos salariés, qui peut être optimisé par un réseau intelligent.

Les informations qu’il offre, notamment quant à l’équilibre entre offre et demande, permettent de mettre en route certains usages au meilleur des moments. Pourquoi ne pas préchauffer votre bâtiment à la fin de la nuit, lorsque les prix sont bas, pour accueillir tous vos collaborateurs à 19 °C sans mettre en route vos chauffages en plein pic de consommation de 8 h 30 ?

Dans le tertiaire, un smart grid va ainsi pouvoir communiquer avec un système GTB (gestion technique du bâtiment) pour, petit à petit, déterminer les meilleures plages horaires pour chauffer vos locaux ou pour réduire la puissance de l’éclairage au strict nécessaire. Vous allez rapidement gagner en efficacité énergétique et baisser votre consommation.

Enfin, les smart grids sont au service de l’autoconsommation. Ils permettent d’aligner tous les niveaux de production d’électricité, même le vôtre, et d’agir sur l’optimisation de votre consommation… et au final de vos factures. Ce que vous ne consommerez pas à l’extérieur, vous ne l’achèterez pas.

Un cas révélateur : les smart cities

Par conséquent, les smart grids se rendent utiles à des échelles très différentes. Si de nombreuses grandes villes les ont d’ores et déjà adoptés pour réduire leur consommation, ils s’adaptent à des territoires plus vastes encore.

Par exemple, le Finistère a lancé une démarche de territoire connecté portée par un syndicat d’énergie. Il propose de piloter autant l’éclairage public que la gestion des déchets ou de l’eau potable. Au niveau des bâtiments publics, le résultat serait d’environ 20 % d’économies réalisées.

Défis et limites des smart grids

Les smart grids garantissent-ils la confidentialité de vos données ?

En France, la question de la sécurisation des données et de la cybersécurité est évidemment sous la surveillance de la Cnil. Enedis, en charge du déploiement des compteurs intelligents, a travaillé sur cet aspect essentiel pour garantir l’anonymat et le cryptage des données fournies par Linky.

D’une manière générale, les compteurs transmettent peu d’informations. Elles sont limitées à l’essentiel pour le consommateur et les acteurs du réseau. Sans accord, la consommation transmise au fournisseur ou à un tiers ne peut d’ailleurs descendre au niveau du pas horaire ou à un niveau inférieur (souvent la demi-heure, parfois toutes les dix minutes).

Par conséquent, si vous voulez faire appel à un energy manager qui étudiera votre profil énergétique, le réseau énergétique intelligent sera capable de fournir tout ce dont il aura besoin. Mais vous devrez au préalable l’autoriser à recueillir ces informations. Sans cela, il n’aura pas accès à votre consommation précise.

Les smart grids face à l’intégration des renouvelables

Les réseaux intelligents sont une part non négligeable des outils nécessaires aux nouvelles sources de production installées partout sur le territoire. Compte tenu de leur maillage plus fin, parfois au plus proche du consommateur, les énergies renouvelables posent de nouveaux défis aux gestionnaires du réseau.

Généralement, ces centrales sont d’ailleurs reliés plus rapidement, sans passer par les lignes à très haute tension de RTE. Elles arrivent immédiatement sur les câbles d’Enedis ou des entreprises locales de distribution (ELD). Il y a donc une gestion supplémentaire à prévoir pour ce réseau et de nouveaux raccordements, ce qui aura un coût.

Enedis prévoit d’ailleurs une augmentation de ses dépenses d’investissements, jusqu’à 5,4 milliards en 2027. Cela s’est donc traduit par une hausse de 7,7 % du Turpe (tarif d’acheminement de l’électricité) sur sa nouvelle période tarifaire, dès le 1er février 2025.

Jouer un rôle moteur dans l’injection et la redistribution du courant

Le développement prévu de la mobilité électrique va de pair avec une meilleure utilisation des smart grids pour rendre les réseaux bidirectionnels. Grâce aux données de l’équilibre entre offre et demande, les voitures pourraient se recharger uniquement sur des périodes de prix favorables, mais aussi injecter à leur tour des électrons lorsque les prix remontent.

Ainsi, les voitures pourraient devenir de véritables petites batteries d’urgence, mobilisables lorsque la production est en baisse et que les prix augmentent. Mais pour cela, il faut donc une gestion fine et coordonnée des données transmises par les smart grids.

Avoir des données fiables et mobilisables par tous

Dès lors, l’open data est l’une des clés de voûte du système des smart grids. Ce libre accès aux informations essentielles permet que chaque acteur puisse tenir compte des besoins ou des difficultés du réseau en temps réel et de s’adapter vite.

Cela va du producteur d’électricité, qui pourra parfois moduler la puissance de son parc selon la demande, au marché de gros qui modifie son signal prix quasi en temps réel. Ainsi, en parallèle du marché spot qui établit un prix pour le lendemain, EPEX Spot propose aujourd’hui des prix « intraday » pouvant être actualisés toutes les demi-heures.

Par conséquent, puisque le prix de l’électricité peut s’adapter sur un temps très court à l’équilibre entre offre et demande, le consommateur doit pouvoir aussi s’adapter. Il faut donc que les données soient accessibles, qu’elles se diffusent et que les machines puissent les lire. Des données ouvertes, partagées, permettent aussi aux fabricants d’implémenter des outils de flexibilité électrique dans leurs machines en s’appuyant sur l’internet des objets (IoT).

Le smart grid, une promesse de réduction des coûts financiers

Finalement, les réseaux électriques se complexifient actuellement avec l’intégration de centrales décentralisées ou de multiples capteurs. Ils coûtent donc plus chers compte tenu de leur maillage toujours plus dense. Mais cet ajout des technologies de l’information et de la communication évite aussi certains travaux de maintenance. Le coût d’entretien du réseau devrait donc, à terme, se stabiliser. De plus, les smart grids lissent une partie de la consommation pour éviter des pics trop importants. Ils limitent dès lors le besoin en énergies fossiles et réduisent les coûts de production.

Surtout, pour les entreprises, les smart grids offrent une possibilité de gains financiers non négligeables pour les entreprises grâce au pilotage de leur consommation. Car l’intégration des énergies renouvelables dans le mix énergétique pose un défi nouveau : choisir le bon moment pour consommer. Il ne s’agit plus d’avoir une énergie abondante et continue, qu’on paie à prix fixe et qu’on consomme comme bon nous semble, mais de mieux et moins consommer.

… que les entreprises peuvent optimiser !

Or, le déploiement d’un smart grid est un allié précieux pour développer en parallèle des systèmes de stockage, de pompage, de pilotage de la consommation intelligents. La voiture électrique est un appui parmi d’autres. Les entreprises énergivores, notamment, peuvent adapter leurs process grâce aux informations données par un smart grid… et finalement, à terme, consommer à un meilleur prix et en polluant moins.

Qu’on se le dise : la flexibilité développée grâce aux conseils d’un réseau intelligent – et de conseillers énergie avisés ! –, c’est la future stratégie gagnant-gagnant-gagnant de la gestion énergétique.

Article rédigé par Côme Tessier

Rédacteur web pour Collectif Énergie, je m’évertue à glisser des touches sportives ou des notes sucrées pour rendre plus accessibles les sujets liés à l’énergie. Sans jamais oublier de traquer les doubles espaces qui perturbent la lecture.

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