Interview avec Alban Polak, consultant achats et analyste des marchés énergétiques pour Collectif Énergie

Toutes les semaines, sur LinkedIn et par e-mail, Alban Polak livre pour Collectif Énergie son analyse de l’évolution des marchés du gaz et de l’électricité en France dans la note de marché. Il donne ainsi les principales clés de compréhension pour aborder ces données complexes et changeantes.

Pour commencer l’année 2025, notre spécialiste des marchés énergétiques revient sur les grandes leçons qui peuvent être tirées de l’année passée et les points de tension à observer dans les prochains mois pour mieux anticiper l’évolution des prix de l’énergie en 2025.

Si vous souhaitez recevoir la note de marché et ne rien manquer des dernières informations sur les marchés de l’énergie, inscrivez-vous à notre newsletter !

L’année 2024 s’est terminée avec des prix de l’électricité plutôt stable et bas, même sur le marché spot – en dehors de quelques pointes début décembre lors des jours PP1-PP2. Cela marque-t-il la fin de la crise de l’énergie traversée en 2021-2022 ?

Je suis tenté de dire que oui. Nous sommes sortis de la crise de l’énergie. Pour faire simple, cette crise était liée à un manque de production nucléaire en France, au déclenchement de la guerre en Ukraine et au besoin d’équilibrer le réseau au niveau européen. Nos pays voisins ont dû nous livrer de l’électricité parce qu’on en manquait. Or, cette électricité était partiellement produite à partir de centrales combinées gaz ou à énergies fossiles. Cela a entraîné des prix extrêmement hauts, qui se traduisaient sur les marchés futures.

Depuis le début de l’année 2024, on peut dire qu’on retrouve des prix qui semblent corrects sur le spot. Souvent, c’est le signe d’achats à terme pérennes, plus calmes. Il y a cependant une part de prime de risque causée par la spéculation sur les marchés à terme, avec de l’achat-revente et parce qu’il s’agit d’un pari sur l’avenir quant aux moyens de production qui seront effectivement utilisés au moment de la livraison d’électricité.

Ainsi, on observe encore des vagues de fluctuation des prix. Même si nous sommes sortis de la crise, celle-ci nous a marqués dans les mentalités. La peur persiste, surtout sur les achats à terme. Nous ne sommes donc pas complètement à l’abri d’augmentations importantes. Malgré tout, avec des moyens de production maîtrisés – particulièrement en France –, les mouvements sur le marché spot devraient être limités.

Cela signifie-t-il que la stabilité sera le maître-mot de l’année 2025 ? Ou peut-on espérer une baisse qui s’accentue sur les marchés de gros dans les prochains mois ?

Les quinze derniers jours, pendant la période des fêtes de fin d’année, ont déjà donné une bonne image du marché à terme. Il y avait très peu d’échanges. Sur une période de froid, avec un peu de panique, le marché a pris 10 euros du mégawattheure. Dans ce contexte, nous démarrons mal l’année par rapport à 2024.

Cependant, il y a deux éléments qui vont jouer pour inscrire la tendance de l’année 2025 : la rigueur climatique du premier trimestre et les réactions du marché, puis la mise en place d’un potentiel mécanisme post-Arenh. Les consommateurs électro-intensifs achètent actuellement sur le marché de gros, ce qui devrait en faire un marché assez stable, voire en légère baisse.

C’est vraiment le premier trimestre qui va déterminer la tendance. Si on reste dans ces niveaux de prix, supérieurs à 70 €/MWh pour le calendaire 2026, il semble compliqué d’espérer une baisse. Il faut que les prix diminuent dès maintenant pour démarrer le printemps correctement. Il y aura toujours du risque créé ensuite, au cours de l’été, selon les périodes de sècheresse notamment. Ainsi, en 2024, les prix ont augmenté en août.

Pour le dernier trimestre, nous avons connu cette année le scénario catastrophe avec des températures froides tôt dans la saison. Mais les moyens de production ont répondu présents, ce qui est rassurant. Les trois prochains mois vont donc être décisifs, même si nous sommes dans une situation nouvelle avec la fin du mécanisme de l’Arenh. C’est comme si nous avions oublié comment nous couvrir à terme et limiter le risque, alors que la configuration a changé avec beaucoup d’achats anticipés sur cette première année sans Arenh.

La France a battu son record d’exportation d’électricité vers ses voisins européens, qui datait de plus de 20 ans. Quel bilan peut-on tirer d’un tel renversement de situation en deux ans ? Y a-t-il encore besoin de sobriété énergétique ou de l’effacement des grands industriels ?

Il y a plusieurs avis sur ce point. Cependant, avec un réseau unique au niveau européen, il y a un soutien à apporter – ou à recevoir, comme en 2022 pour la France –au niveau continental. Ces derniers mois, il y avait de l’excédent entre la production et la consommation en France sur la majorité des heures. En face, il y avait un besoin externe, en Allemagne, en Italie… Ces pays ne produisaient pas assez, avec un manque de puissance. Grâce à son parc nucléaire, la France soutient le marché européen en produisant pour ses voisins et en exportant.

Le fait d’avoir de l’effacement en même temps ne peut être que bon. Tout ce qui n’est pas consommé n’a pas besoin d’être produit. Même si nous produisons pour nos voisins, cela réduit nos dépenses. L’énergie non consommée est la moins chère à produire et à payer. C’est une bonne chose.

De plus, la France produit son électricité avec un taux d’émissions de CO2 très faible (environ 32 g d’équivalent CO2 par mégawattheure en 2023). C’est le troisième pays européen le moins pollueur en produisant. Mieux vaut donc être producteur et exportateur par rapport à d’autres pays, que ce soit l’Allemagne, la Pologne ou la République tchèque. Bien sûr, si nous produisions seulement pour nous-mêmes, nous n’aurions pas besoin d’autant de capacités de production en fonctionnement. Les prix – pour la France – seraient probablement moindres. C’est un sujet et un équilibre complexes à trouver, car ils doivent se faire au niveau de l’Europe.

Malgré ces signaux positifs, les disparités semblent toujours plus grandes entre les pays européens et les États-Unis du point de vue énergétique – d’autant plus avec la réélection de Trump qui promet une grande abondance de sources d’énergie à bas prix. L’énergie européenne peut-elle être compétitive ? Comment les entreprises de l’UE peuvent-elles réussir à gagner ce combat ?

Pour le gaz, le sujet ne se discute même pas : nous ne serons pas compétitifs. Nous produisons peu, nous importons beaucoup. Les États-Unis peuvent jouer sur les deux plaques d’exportation, vers l’Asie du Sud-Est et vers l’Europe, et le font bien. Il suffit de regarder les prix, la disparité est là.

Pour l’électricité, c’est différent. Les États-Unis avancent à un rythme relativement similaire, même si leur politique des moyens de production n’est pas la même. Ils ont beaucoup de SMR (small modular reactor), ce qui permet d’avoir de nombreuses tranches qui peuvent être activées ou éteintes selon la demande. La France s’en sort très bien pour autant avec son parc nucléaire de grandes tranches. Notre mix énergétique est stable, peu cher et peu polluant.

En incluant l’Europe entière, le bilan est différent. La situation européenne n’est pas si bonne et certains pays vont devoir réviser leur politique énergétique pour que la production d’électricité coûte moins cher et pollue moins.

Enfin, la Chine s’impose au niveau solaire. L’Europe est en retard. Le développement des parcs photovoltaïques est gigantesque, avec des centrales géantes. De plus, la Chine produit elle-même ses panneaux solaires, alors que cette industrie est en difficulté ici. Forcément, cela leur coûte moins cher à l’installation que pour nous, qui devons importer massivement, en plus du coût de la main d’œuvre. Les énergies renouvelables se développent, mais leur prix n’est pas encore assez compétitif ici.

Depuis le 1er janvier, le contrat de livraison de gaz russe par gazoduc vers l’Europe via l’Ukraine a pris fin. Cet arrêt fait-il courir un nouveau risque pour les marchés gaziers, l’approvisionnement européen et notre équilibre énergétique ? Doit-on craindre un rebond des prix du gaz début 2025 ?

Sur le long terme, cela ne devrait pas avoir d’impact. Même si le début de l’année ne va pas en ce sens, cette évolution est due à d’autres phénomènes. La Norvège reste notre principale source d’approvisionnement, avec les États-Unis par méthaniers. Il n’y a pas de risque physique. Il s’agit plutôt de spéculation, avec une prime de risque qui s’applique même si elle n’a plus lieu d’être. L’équilibre énergétique n’est pas en risque, d’autant que la consommation de gaz diminue. En France, le besoin se réduit.

Cependant, dans le coût du gaz, la molécule ne fait pas tout. Il y a aussi le transport et les taxes. Or, pour de telles questions réglementaires, l’évolution devrait aller à la hausse. Pour le transport, son coût va peser sur de moins en moins de consommateurs. Par conséquent, sa part dans la facture finale risque d’augmenter pour ceux qui restent. En 2025, l’accise sur le gaz ne devrait pas bouger – même si le PLF est encore en discussion. Pour autant, le prix hors TVA est amené à augmenter dans les prochaines années. C’est un facteur à prévoir, avec des taxes gazières qui pourraient aller du simple au double.

Quels sont les enjeux budgétaires principaux liées à l’énergie qui s’annoncent pour les entrepreneurs et les industriels sur l’année à venir ? Y a-t-il un sujet en particulier à suivre de près dans les prochains mois et qui pourrait peser sur le marché ?

La météo, les événements politiques et les moyens de production pèsent toujours. Le fait d’avoir un gouvernement instable crée du risque en lui-même. Il peut y avoir un revirement sur la politique énergétique, sur les objectifs donnés, en France comme au niveau européen.

Sur les marchés, le spot devrait continuer de baisser avec une météo plus favorable à la fin du premier trimestre. On ne sera pas au niveau de 2017-2018, mais on tournera sûrement sur une moyenne située entre 55 et 60 euros par mégawattheure sur 2025. Le rythme est assez stable.

Pour créer de l’électricité, les moyens de production sont très stables. L’éolien et le solaire tournent bien l’été. Le nucléaire répond présent et on le module correctement. L’hydraulique va bien. Le lancement de Flamanville ne peut apporter qu’un soutien supplémentaire.  Il n’y a aucune raison pour une bascule du spot, sauf changement de politique.

Aujourd’hui, le risque est ailleurs que dans le monde de l’énergie. La réélection de Donald Trump peut changer la donne dans le conflit russo-ukrainien. Après trois ans de guerre, les répercussions sont désormais connues – fermeture des gazoducs Nord Stream, impacts limités dans la production d’électricité –, mais le conflit va continuer avec un nouvel homme fort aux États-Unis. Au Moyen-Orient, la situation change rapidement, c’est moins prévisible.

Enfin, la demande asiatique a été un point important de l’année 2024. Ce sont nos principaux concurrents sur le gaz et ils fournissent des indicateurs essentiels : le redémarrage timide de la Chine pour la croissance mondiale, une consommation de gaz très forte en Inde l’été dernier… La demande mondiale évolue avec de nouveaux acteurs. L’innovation technologique pourrait également jouer un rôle. En 2025, nous allons observer de nouveaux indicateurs pour pouvoir anticiper les cours de l’énergie. Mais nous aurons déjà un bon aperçu des tendances dès la fin du premier trimestre.

Côme Tessier

Rédacteur web

Dans mon travail pour Collectif Énergie, je m’évertue à glisser des touches sportives ou des notes sucrées pour rendre plus accessibles les sujets liés à l’énergie. Sans jamais oublier de traquer les doubles espaces qui perturbent la lecture.

CONTRIBUTEUR

Alban Polak, consultant achats pour Collectif Énergie

Alban Polak

Consultant achats pour Collectif Énergie, c’est à lui qu’on fait appel parmi nos experts pour suivre les dernières tendances – surtout si elles concernent les marchés.

Interview avec Alban Polak, consultant achats et analyste des marchés énergétiques pour Collectif Énergie

Toutes les semaines, sur LinkedIn et par e-mail, Alban Polak livre pour Collectif Énergie son analyse de l’évolution des marchés du gaz et de l’électricité en France dans la note de marché. Il donne ainsi les principales clés de compréhension pour aborder ces données complexes et changeantes.

Pour commencer l’année 2025, notre spécialiste des marchés énergétiques revient sur les grandes leçons qui peuvent être tirées de l’année passée et les points de tension à observer dans les prochains mois pour mieux anticiper l’évolution des prix de l’énergie en 2025.

Si vous souhaitez recevoir la note de marché et ne rien manquer des dernières informations sur les marchés de l’énergie, inscrivez-vous à notre newsletter !

L’année 2024 s’est terminée avec des prix de l’électricité plutôt stable et bas, même sur le marché spot – en dehors de quelques pointes début décembre lors des jours PP1-PP2. Cela marque-t-il la fin de la crise de l’énergie traversée en 2021-2022 ?

Je suis tenté de dire que oui. Nous sommes sortis de la crise de l’énergie. Pour faire simple, cette crise était liée à un manque de production nucléaire en France, au déclenchement de la guerre en Ukraine et au besoin d’équilibrer le réseau au niveau européen. Nos pays voisins ont dû nous livrer de l’électricité parce qu’on en manquait. Or, cette électricité était partiellement produite à partir de centrales combinées gaz ou à énergies fossiles. Cela a entraîné des prix extrêmement hauts, qui se traduisaient sur les marchés futures.

Depuis le début de l’année 2024, on peut dire qu’on retrouve des prix qui semblent corrects sur le spot. Souvent, c’est le signe d’achats à terme pérennes, plus calmes. Il y a cependant une part de prime de risque causée par la spéculation sur les marchés à terme, avec de l’achat-revente et parce qu’il s’agit d’un pari sur l’avenir quant aux moyens de production qui seront effectivement utilisés au moment de la livraison d’électricité.

Ainsi, on observe encore des vagues de fluctuation des prix. Même si nous sommes sortis de la crise, celle-ci nous a marqués dans les mentalités. La peur persiste, surtout sur les achats à terme. Nous ne sommes donc pas complètement à l’abri d’augmentations importantes. Malgré tout, avec des moyens de production maîtrisés – particulièrement en France –, les mouvements sur le marché spot devraient être limités.

Cela signifie-t-il que la stabilité sera le maître-mot de l’année 2025 ? Ou peut-on espérer une baisse qui s’accentue sur les marchés de gros dans les prochains mois ?

Les quinze derniers jours, pendant la période des fêtes de fin d’année, ont déjà donné une bonne image du marché à terme. Il y avait très peu d’échanges. Sur une période de froid, avec un peu de panique, le marché a pris 10 euros du mégawattheure. Dans ce contexte, nous démarrons mal l’année par rapport à 2024.

Cependant, il y a deux éléments qui vont jouer pour inscrire la tendance de l’année 2025 : la rigueur climatique du premier trimestre et les réactions du marché, puis la mise en place d’un potentiel mécanisme post-Arenh. Les consommateurs électro-intensifs achètent actuellement sur le marché de gros, ce qui devrait en faire un marché assez stable, voire en légère baisse.

C’est vraiment le premier trimestre qui va déterminer la tendance. Si on reste dans ces niveaux de prix, supérieurs à 70 €/MWh pour le calendaire 2026, il semble compliqué d’espérer une baisse. Il faut que les prix diminuent dès maintenant pour démarrer le printemps correctement. Il y aura toujours du risque créé ensuite, au cours de l’été, selon les périodes de sècheresse notamment. Ainsi, en 2024, les prix ont augmenté en août.

Pour le dernier trimestre, nous avons connu cette année le scénario catastrophe avec des températures froides tôt dans la saison. Mais les moyens de production ont répondu présents, ce qui est rassurant. Les trois prochains mois vont donc être décisifs, même si nous sommes dans une situation nouvelle avec la fin du mécanisme de l’Arenh. C’est comme si nous avions oublié comment nous couvrir à terme et limiter le risque, alors que la configuration a changé avec beaucoup d’achats anticipés sur cette première année sans Arenh.

La France a battu son record d’exportation d’électricité vers ses voisins européens, qui datait de plus de 20 ans. Quel bilan peut-on tirer d’un tel renversement de situation en deux ans ? Y a-t-il encore besoin de sobriété énergétique ou de l’effacement des grands industriels ?

Il y a plusieurs avis sur ce point. Cependant, avec un réseau unique au niveau européen, il y a un soutien à apporter – ou à recevoir, comme en 2022 pour la France –au niveau continental. Ces derniers mois, il y avait de l’excédent entre la production et la consommation en France sur la majorité des heures. En face, il y avait un besoin externe, en Allemagne, en Italie… Ces pays ne produisaient pas assez, avec un manque de puissance. Grâce à son parc nucléaire, la France soutient le marché européen en produisant pour ses voisins et en exportant.

Le fait d’avoir de l’effacement en même temps ne peut être que bon. Tout ce qui n’est pas consommé n’a pas besoin d’être produit. Même si nous produisons pour nos voisins, cela réduit nos dépenses. L’énergie non consommée est la moins chère à produire et à payer. C’est une bonne chose.

De plus, la France produit son électricité avec un taux d’émissions de CO2 très faible (environ 32 g d’équivalent CO2 par mégawattheure en 2023). C’est le troisième pays européen le moins pollueur en produisant. Mieux vaut donc être producteur et exportateur par rapport à d’autres pays, que ce soit l’Allemagne, la Pologne ou la République tchèque. Bien sûr, si nous produisions seulement pour nous-mêmes, nous n’aurions pas besoin d’autant de capacités de production en fonctionnement. Les prix – pour la France – seraient probablement moindres. C’est un sujet et un équilibre complexes à trouver, car ils doivent se faire au niveau de l’Europe.

Malgré ces signaux positifs, les disparités semblent toujours plus grandes entre les pays européens et les États-Unis du point de vue énergétique – d’autant plus avec la réélection de Trump qui promet une grande abondance de sources d’énergie à bas prix. L’énergie européenne peut-elle être compétitive ? Comment les entreprises de l’UE peuvent-elles réussir à gagner ce combat ?

Pour le gaz, le sujet ne se discute même pas : nous ne serons pas compétitifs. Nous produisons peu, nous importons beaucoup. Les États-Unis peuvent jouer sur les deux plaques d’exportation, vers l’Asie du Sud-Est et vers l’Europe, et le font bien. Il suffit de regarder les prix, la disparité est là.

Pour l’électricité, c’est différent. Les États-Unis avancent à un rythme relativement similaire, même si leur politique des moyens de production n’est pas la même. Ils ont beaucoup de SMR (small modular reactor), ce qui permet d’avoir de nombreuses tranches qui peuvent être activées ou éteintes selon la demande. La France s’en sort très bien pour autant avec son parc nucléaire de grandes tranches. Notre mix énergétique est stable, peu cher et peu polluant.

En incluant l’Europe entière, le bilan est différent. La situation européenne n’est pas si bonne et certains pays vont devoir réviser leur politique énergétique pour que la production d’électricité coûte moins cher et pollue moins.

Enfin, la Chine s’impose au niveau solaire. L’Europe est en retard. Le développement des parcs photovoltaïques est gigantesque, avec des centrales géantes. De plus, la Chine produit elle-même ses panneaux solaires, alors que cette industrie est en difficulté ici. Forcément, cela leur coûte moins cher à l’installation que pour nous, qui devons importer massivement, en plus du coût de la main d’œuvre. Les énergies renouvelables se développent, mais leur prix n’est pas encore assez compétitif ici.

Depuis le 1er janvier, le contrat de livraison de gaz russe par gazoduc vers l’Europe via l’Ukraine a pris fin. Cet arrêt fait-il courir un nouveau risque pour les marchés gaziers, l’approvisionnement européen et notre équilibre énergétique ? Doit-on craindre un rebond des prix du gaz début 2025 ?

Sur le long terme, cela ne devrait pas avoir d’impact. Même si le début de l’année ne va pas en ce sens, cette évolution est due à d’autres phénomènes. La Norvège reste notre principale source d’approvisionnement, avec les États-Unis par méthaniers. Il n’y a pas de risque physique. Il s’agit plutôt de spéculation, avec une prime de risque qui s’applique même si elle n’a plus lieu d’être. L’équilibre énergétique n’est pas en risque, d’autant que la consommation de gaz diminue. En France, le besoin se réduit.

Cependant, dans le coût du gaz, la molécule ne fait pas tout. Il y a aussi le transport et les taxes. Or, pour de telles questions réglementaires, l’évolution devrait aller à la hausse. Pour le transport, son coût va peser sur de moins en moins de consommateurs. Par conséquent, sa part dans la facture finale risque d’augmenter pour ceux qui restent. En 2025, l’accise sur le gaz ne devrait pas bouger – même si le PLF est encore en discussion. Pour autant, le prix hors TVA est amené à augmenter dans les prochaines années. C’est un facteur à prévoir, avec des taxes gazières qui pourraient aller du simple au double.

Quels sont les enjeux budgétaires principaux liées à l’énergie qui s’annoncent pour les entrepreneurs et les industriels sur l’année à venir ? Y a-t-il un sujet en particulier à suivre de près dans les prochains mois et qui pourrait peser sur le marché ?

La météo, les événements politiques et les moyens de production pèsent toujours. Le fait d’avoir un gouvernement instable crée du risque en lui-même. Il peut y avoir un revirement sur la politique énergétique, sur les objectifs donnés, en France comme au niveau européen.

Sur les marchés, le spot devrait continuer de baisser avec une météo plus favorable à la fin du premier trimestre. On ne sera pas au niveau de 2017-2018, mais on tournera sûrement sur une moyenne située entre 55 et 60 euros par mégawattheure sur 2025. Le rythme est assez stable.

Pour créer de l’électricité, les moyens de production sont très stables. L’éolien et le solaire tournent bien l’été. Le nucléaire répond présent et on le module correctement. L’hydraulique va bien. Le lancement de Flamanville ne peut apporter qu’un soutien supplémentaire.  Il n’y a aucune raison pour une bascule du spot, sauf changement de politique.

Aujourd’hui, le risque est ailleurs que dans le monde de l’énergie. La réélection de Donald Trump peut changer la donne dans le conflit russo-ukrainien. Après trois ans de guerre, les répercussions sont désormais connues – fermeture des gazoducs Nord Stream, impacts limités dans la production d’électricité –, mais le conflit va continuer avec un nouvel homme fort aux États-Unis. Au Moyen-Orient, la situation change rapidement, c’est moins prévisible.

Enfin, la demande asiatique a été un point important de l’année 2024. Ce sont nos principaux concurrents sur le gaz et ils fournissent des indicateurs essentiels : le redémarrage timide de la Chine pour la croissance mondiale, une consommation de gaz très forte en Inde l’été dernier… La demande mondiale évolue avec de nouveaux acteurs. L’innovation technologique pourrait également jouer un rôle. En 2025, nous allons observer de nouveaux indicateurs pour pouvoir anticiper les cours de l’énergie. Mais nous aurons déjà un bon aperçu des tendances dès la fin du premier trimestre.

Côme Tessier

Rédacteur web

Dans mon travail pour Collectif Énergie, je m’évertue à glisser des touches sportives ou des notes sucrées pour rendre plus accessibles les sujets liés à l’énergie. Sans jamais oublier de traquer les doubles espaces qui perturbent la lecture.

CONTRIBUTEUR

Alban Polak, consultant achats pour Collectif Énergie

Alban Polak

Consultant achats pour Collectif Énergie, c’est à lui qu’on fait appel parmi nos experts pour suivre les dernières tendances – surtout si elles concernent les marchés.

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