Actualité énergie

24 mars 2023

Électricité : quelle réforme du marché européen propose la Commission Européenne ?

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Réforme-marché-élec-européen

Le 14 mars dernier, la Commission Européenne (CE) a présenté sa proposition de réforme du marché européen de l’électricité. Cette proposition arrive en conséquence de la profonde crise de l’énergie que nous connaissons depuis la rentrée 2021. Après avoir consulté toutes les parties prenantes, la CE propose une réforme dont l’objectif est de protéger les consommateurs (entreprises ou particuliers, des prix élevés et volatils de l’électricité.

Qu’est-ce que cette réforme propose ? Quels sont ses objectifs ? Quelles sont les chances pour que cette proposition soit adoptée pour l’hiver prochain (2023-2024) ?

Ce que la Commission Européenne ne souhaite pas réformer

Nous mettons fin au suspense de suite : les fondamentaux sont conservés. Il avait pourtant mauvaise presse dans la sphère politique ; le merit order reste en place. 

Qu’est-ce que le merit order ?

C’est le principe selon lequel les différentes sources de production d’électricité sont appelées dans l’ordre des coûts marginaux croissants. La dernière centrale appelée fixe donc le prix de vente de toutes les unités production.

bloc par bloc : comment conçoit-on les prix de l’électricité en Europe ?

La préséance économique (merit order) implique l’appel des unités de production dans l’ordre suivant :

  1. Hydraulique au fil de l’eau, éolien et solaire : celles produisant de l’électricité dite fatale (perdue si non utilisée) ;
  2. Les centrales nucléaires, produisant à coût marginaux faibles ;
  3. Les centrales fonctionnant au charbon, au gaz et au fioul.

Le merit order permet d’optimiser le coût global du système électrique mais on lui reproche de se corréler aux prix du gaz lors des périodes de crise. Cela s’est produit en 2022 avec un manque de production nucléaire en France et un prix du gaz qui a explosé.

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PPA,CfD : quels sont les éléments clés de la réforme du marché européen de l’électricité ?

La Commission Européenne souhaite protéger le consommateur à travers des contrats long termes car ces contrats permettent de les épargner (en partie) de la volatilité des prix de marché court terme.

Concrètement ?

La CE permettrait le développement des contrats suivants :

  • Power Purchase Agreement (PPA) : il s’agit de contrats d’énergie renouvelable de long terme direct producteurs. Ces contrats sont habituellement accessibles aux industriels gros consommateurs. La réforme faciliterait ce genre de contractualisation pour l’ouvrir à toutes les entreprises, y compris aux PME ;
  • Contrat pour Différence (CfD) : ce type de contrat de long terme permet un prix de vente garanti de leur électricité aux producteurs. Il prévoit également que ces derniers rendent le trop-perçu à l’État si les prix sont plus élevés sur le marché court terme que le prix de vente garanti par l’État.

Note : le trop perçu par les producteurs dans le cadre de contrats pour différence serait collecté par les États membres et répercuté à tous les consommateurs, au prorata de leur consommation. Les consommateurs resteraient tout de même exposés (moins durement) au signal prix marché afin qu’ils soient responsabilisés dans leur consommation (sobriété, décalage des consommations etc.).

Quid du nucléaire ?

C’était le compromis tant attendu par Paris, les contrats à long terme seraient ouverts à toutes les unités de production “bas carbone” incluant évidemment les énergies renouvelables mais aussi le nucléaire.

Développer les flexibilités décarbonées

Il s’agit de l’autre pan important de la réforme, développer les flexibilités décarbonées (solaire, éolien…) pour assurer l’équilibre du réseau.

Comment la Commission Européenne compte-t-elle soutenir le développement de ces flexibilités décarbonées ?

La CE prévoit un produit d’écrêtement des pointes de consommation pour :

  • Inciter à réduire la demande en période de pointe ;
  • Décaler les usages au moment où le solaire ou l’éolien sont en pointe de production.

Le mécanisme de capacité est plus que jamais soutenu par cette réforme, la CE souhaite que ce mécanisme permette le développement des flexibilités décarbonées. Si le mécanisme de capacité n’est pas assez incitatif alors la réforme prévoit un dispositif de soutien aux flexibilités décarbonées.

Dernier point, la réforme entend demander aux États membres d’évaluer tous les deux ans le besoin de flexibilité du réseau électrique à horizon minimum 5 ans ainsi que de définir un objectif national d’effacement de consommation et de stockage.

Quelles sont les chances pour que cette réforme soit effective prochainement ?

Bien que la Commission Européenne souhaite apporter les bénéfices de sa réforme aux consommateurs pour l’hiver 2023-2024, il semble difficile de tenir un tel agenda.

En effet, tous les États membres ne partagent pas tous les éléments de la réforme ni son calendrier. Alors que l’Allemagne, défavorable à l’introduction obligatoire de CfD, souhaite par ailleurs une réforme en deux étapes, la France, elle, souhaite imposer les CfD aux exploitants et pousse une application entière fin 2023.

Au-delà des préconisations divergentes des États membres, le temps de l’adoption du texte additionné à celui de sa réelle application à 8 mois de l’hiver semble peu réaliste.

Que retenir de cette proposition de réforme du marché de l’électricité ?

Nous pouvons d’abord, retenir de cette proposition de réforme, qu’elle confirme la pertinence de la construction du prix (merit order) ainsi que l’utilité de son signal sur la responsabilité des consommateurs. Ensuite, les objectifs sont clairs :

  • Réduire l’effet de la volatilité des prix des combustibles sur les factures d’électricité ;
  • Protéger des consommateurs contre les futures hausses de prix ;
  • Accélérer le déploiement des énergies renouvelables et bas carbone ;
  • Capter les super-profits.