C’est quoi l’écrêtement Arenh ?
Tous les ans, fin novembre, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) annonce le taux d’écrêtement de l’Arenh pour l’année à venir. Le chiffre est attendu. Il est surveillé. Il représente un enjeu majeur pour les industriels et d’autres grands consommateurs d’énergie comme pour les plus petites entreprises.
L’écrêtement Arenh vient en effet modifier directement les coûts de l’énergie. Il alourdit des factures qui comptaient au départ sur un prix fixe de 42 €/MWh.
Les acteurs concernés : qui est impacté ?
Toutes les entreprises qui possèdent un contrat d’électricité comprenant une part d’Arenh avec un fournisseur d’énergie sont concernées par l’écrêtement. En effet, le dispositif Arenh a été mis en place par la loi NOME afin de ne pas fausser la concurrence entre les fournisseurs alternatifs et EDF, principal producteur et fournisseur d’électricité en France notamment grâce à un parc nucléaire construit dans les années 70-80. Ces investissements – publics – sont déjà amortis. Il était nécessaire d’en faire bénéficier tous les consommateurs et non seulement les clients d’EDF.
Mécanisme de base de l’écrêtement
Dès lors, il a été permis aux autres fournisseurs – comme à EDF – d’accéder à cette énergie avec un tarif préférentiel pour leurs clients. Tous les ans, ils peuvent ainsi faire une demande d’Arenh, selon leur volume de consommation, au prix de 42 €/MWh.
Si toute la demande n’a pu être comblée par les quotas disponibles au guichet Arenh, les fournisseurs vont devoir se fournir en énergie ailleurs, sur les marchés de gros, entre la fin novembre et le début de l’année. Cet achat en dernière minute, à un prix de marché supérieur à 42 €/MWh, provoque alors une augmentation des tarifs pour le consommateur final.
C’est ce phénomène qu’on appelle l’écrêtement.
Dispositif Arenh : trois facteurs clés vont déterminer l’écrêtement en 2024
Le profil de consommation
Le premier enjeu, c’est la demande. Le volume d’Arenh n’est pas illimité. EDF doit vendre 100 TWh au prix de 42 €/MWh à ses concurrents. Et pas un mégawattheure de plus.
Les fournisseurs d’accès peuvent envoyer leur demande au guichet Arenh de la Commission de régulation de l’énergie jusqu’à la mi-novembre. Elle doit correspondre à leur portefeuille client. La CRE étudie ces demandes, ajuste et procède au calcul des droits Arenh en fonction du volume disponible et de la consommation des clients de chaque fournisseur.
En effet, la CRE prend en compte le profil de consommation du portefeuille client d’un fournisseur pour déterminer ses droits Arenh. Des « heures Arenh » ont été définies. Il s’agit des weekends, des jours fériés et de la période juillet-août, ainsi que du créneau compris entre 1 heure et 7 heures les jours ouvrés en avril, mai, juin, septembre et octobre.
Le coefficient de bouclage
Au cours de cette étude, la CRE réduit de fait le volume attribué à chacun en appliquant le coefficient de bouclage. La CRE considère ainsi que sur un volume total de consommation, chaque consommateur ne peut se voir attribuer plus de 84,4 % de droits Arenh. Autrement dit : si vous consommez 1 GWh dans l’année sur des heures Arenh, vous ne pourrez avoir plus de 844 MWh à 42 €/MWh.
Ce coefficient s’applique ainsi d’office au volume global des demandes faites par les fournisseurs pour leurs clients.
Le taux d’attribution
Depuis plusieurs années, le plafond de 100 TWh de l’Arenh est dépassé. Cela entraîne une nouvelle formule de calcul afin de permettre à chacun de bénéficier de ce tarif équitablement.
Autrement dit, pour que chaque fournisseur accède bien à l’Arenh – et à un volume qui soit représentatif de son portefeuille de clients –, la CRE applique un taux d’attribution. C’est ce taux qui viendra au final déterminer celui de l’écrêtement, c’est-à-dire le pourcentage d’électricité que chaque fournisseur devra acheter sur les marchés.
Par exemple, en 2024, les fournisseurs alternatifs avaient fait une demande de 148 TWh, soit 130,41 TWh après application du coefficient de bouclage. Cela représentait 30,41 TWh au-delà du volume Arenh de 100 TWh. Chaque fournisseur ne pouvait donc accéder qu’à 76,68 % de sa demande initiale et devait trouver sur les marchés un complément de 23,32 % par rapport à sa demande.
Impact concret de l’écrêtement sur les consommateurs
Voici un exemple. Pour 2024, un fournisseur a envoyé une demande d’Arenh de 100 GWh. Avec le coefficient de bouclage, son droit Arenh s’élevait à 84,4 GWh. Or, compte tenu de l’ensemble des demandes, il n’a finalement accès qu’à… 64,71 GWh.
Afin de trouver le volume correspond à sa demande, il doit donc acheter (au prix fort) quasiment 20 GWh sur les marchés de gros – et même 36 GWh si on tient compte du volume initialement demandé, avant l’application du taux de bouclage. Soit plus du tiers ! Évidemment, ce volume sera à plus de 42 €/MWh sur les marchés, provoquant un surcoût pour les consommateurs.
Cependant, si cela modifie la stratégie des fournisseurs et diminue le taux d’écrêtement, l’abaissement du coefficient de bouclage ne change donc pas le volume auquel chaque consommateur accède.
Particuliers ou professionnels : des conséquences différentes
La part d’écrêtement de l’Arenh a une première conséquence qui concerne davantage les particuliers et les petites entreprises : le calcul des TRVE.
En effet, les tarifs réglementés intègrent l’Arenh pour en calculer le montant. Par conséquent, un fort taux d’écrêtement à la fin de l’année pourrait avoir un effet négatif sur la baisse des TRVE, désormais accessibles à l’ensemble des petites entreprises, ainsi que sur les tarifs indexés à ceux-ci.
Pour les autres entreprises, l’Arenh va également modifier le prix de votre électricité. Le plus souvent, l’écrêtement se traduit par des achats sur les marchés de gros de blocs d’électricité à un prix moins intéressant, auquel il faut aussi ajouter des parts de capacité. Or, ces montants vont être répercutés directement sur les factures.
Calculer la hausse de votre facture liée à l’écrêtement
Comment savoir l’impact direct de l’écrêtement sur sa facture d’électricité ? Pour cela, il faudrait connaître la stratégie de votre fournisseur d’électricité, le volume de vos droits Arenh et surveiller les prix des marchés en fin d’année.
EDF, pour sa part, explique la manière dont il applique l’écrêtement. Pour cela, il ajoute une moyenne des tarifs disponibles sur les marchés de gros entre le 1er décembre et le 15 décembre, ainsi que le résultat de l’enchère de capacité de fin d’année portant sur l’année suivante. Ces deux données peuvent ainsi offrir une idée du coût qu’aura l’écrêtement sur une partie de votre facture.
Généralement, les prix étant supérieurs à 42 €/MWh ces dernières années, il faut retenir que l’écrêtement aura un effet à la hausse sur le coût d’une partie de votre consommation et donc sur votre facture finale.
Solutions et alternatives face à l’écrêtement
Optimiser son contrat avec un fournisseur d’électricité
La contractualisation avec les fournisseurs doit vous conduire à adopter plusieurs points de vigilance sur l’Arenh. En effet, il y a généralement des clauses spécifiques liées à ce produit et qui peuvent modifier votre facture finale… même lorsque vous avez un « prix fixe » !
Comme l’explique la CRE dans son guide des bonnes pratiques, lorsque votre contrat indique que le prix fixe est « révisable », ce dernier peut donc être modifié pour prendre en compte la part d’écrêtement. Cela représente un surcoût potentiel pour le consommateur final.
Sortir d’une stratégie tout-Arenh
L’écrêtement n’est pas une fatalité ! Il s’anticipe. Il se mesure, au moins partiellement. Surtout, rien ne vous oblige à miser à 100 % sur l’Arenh et à faire une demande qui vous y expose entièrement.
L’Arenh n’est qu’un produit parmi les autres sur le marché. Même si son prix est avantageux, il provoque aujourd’hui de l’incertitude et du risque sur votre prix final.
En achetant en plusieurs fois sur des marchés à terme, à deux ou trois ans, voire en intégrant une stratégie de bloc + spot, vous pouvez reprendre en main ces fluctuations des coûts de l’énergie en agissant de vous-même sur vos achats et votre consommation.
Voire… anticiper la fin prochaine du mécanisme
Il faut désormais s’assurer de la continuité de votre contrat après 2025 et donc de sa viabilité dans le cadre du post-Arenh. Sur ce sujet, la CRE recommande de « préciser des conditions de débouclage des positions symétriques et neutres pour les deux parties au contrat, en cas d’absence d’accord sur les conditions d’intégration de l’éventuel dispositif qui succèdera à l’ARENH. »
Enfin, l’avantage de l’Arenh, avant écrêtement, était d’offrir un prix stable et identifiable aux consommateurs. De tels produits sont encore disponibles, grâce par exemple aux PPA signés avec des producteurs d’énergie renouvelable sur 15 ou 20 ans. Si le coût sera substantiellement plus élevé qu’avec l’Arenh, vous retrouverez des moyens d’action sur votre activité avec un prix clair et défini à l’avance.
Quels autres mécanismes existent en Europe ?
La France a eu une stratégie bien différente de ses voisins européens vis-à-vis du nucléaire. Dans l’Hexagone, cette énergie représente plus de 60 % de la production d’électricité. C’est notamment le résultat d’une construction à marche forcée entre les années 70 et 80.
Cette électricité bas carbone « historique » fait donc l’objet d’une réglementation particulière et a pu bénéficier d’une vente à prix fixe. Mais celle-ci ne pouvait être que provisoire, compte tenu des impératifs européens et de blocages d’autres pays sur le nucléaire existant.
D’un blocage des prix du gaz provisoire sur la péninsule ibérique…
En Espagne et au Portugal, en pleine crise de l’énergie, un mécanisme de régulation a été également mis en place. Il consistait en un blocage des prix du gaz par la mise en place d’un prix plafond. Cette mesure a été autorisée, provisoirement, compte tenu de la situation spécifique de la péninsule ibérique et du manque d’interconnexions.
… à une réforme du marché européen
Aujourd’hui, la Commission européenne encadre la vente d’électricité en incitant à la vente sur les marchés de gros, selon le principe du merit order pour l’électricité spot.
Afin de limiter la volatilité de ce marché, une réforme est envisagée. Elle vise à intégrer des principes de régulation dans la vente de l’électricité. Ils reposent principalement sur la mise en place de contrats à long terme, de type PPA (Power purchase agreement), afin d’offrir stabilité et visibilité sur les prix aux consommateurs.
Ils s’appuient aussi sur le concept de contrat sur la différence (CFD), c’est-à-dire des contrats avec un tunnel de prix fixé à l’avance. Des redistributions vers le producteur ou le consommateur sont prévues en cas de différence constatée, à la hausse ou à la baisse. Cependant, sur ce point, les partenaires européens ne sont pas tous d’accord sur la question du nucléaire existant. Certains États souhaitent réserver ce mécanisme aux seuls renouvelables.
Perspectives d’évolution à partir de 2026
L’accord entre EDF et le gouvernement : deux pages ouvertement critiquées
L’écrêtement systématique des dernières années a provoqué de nombreuses critiques sur l’Arenh, qui doit prendre fin au 31 décembre 2025. Le gouvernement d’Élisabeth Borne a donc travaillé avec EDF à la mise en place d’un autre mécanisme, à partir de 2026.
Fin 2023, un accord a été annoncé avec le PDG de l’énergéticien, Luc Rémont. Celui-ci établirait un coût moyen de l’électricité vendu par EDF à 70 €/MWh, permettant à l’entreprise de financer les investissements nécessaires au renouvellement du parc nucléaire. Cela s’appuie notamment sur des redistributions progressives vers les consommateurs, en cas de flambée des prix sur les marchés, mais aussi la signature de contrats à moyen et long termes (de 5 à 15 ans et plus).
Une ouverture totale au marché
Cependant, de nombreux acteurs ont critiqué cet accord passé avec le gouvernement, sans discussion parlementaire ni cadre législatif. En effet, s’il permet d’éviter désormais l’incertitude liée à l’écrêtement, il consiste néanmoins à une ouverture à 100 % au marché de l’énergie qui ne protège plus les consommateurs.
De plus, la volonté d’un prix moyen à 70 €/MWh serait, selon certains acteurs, surévalué par rapport à la situation de marché. Il fait également craindre à de nombreux industriels une perte en compétitivité trop importante.
Enfin, le dispositif de redistribution vers les consommateurs n’est pas encore assez précis et ne permet pas d’assurer une protection suffisante pour les consommateurs.
Après l’écrêtement : apprendre à limiter le risque !
Dans une situation d’exposition à 100 % au marché de l’énergie, vous allez toutefois devoir apprendre à acheter votre électricité différemment. Vous ne pourrez plus compter sur le socle serein des 42 €/MWh de l’Arenh. Même si l’accord trouvé avec EDF était mis en place, celui-ci ne pourra vous assurer qu’une limitation des excès de prix, avec une redistribution a posteriori.
En sortant de l’Arenh, chaque consommateur va devoir apprendre à faire comme s’il épargnait sans livret A. Vous perdez le bénéfice d’une épargne de réassurance, qui ne sera pas nécessairement performante mais qui restera sans surprise. Vous n’aurez plus de filet de sécurité. Désormais, vous devez épargner uniquement sur des produits volatils.
Diversifiez vos achats d’énergie
Mais alors, comment anticiper cela ? Pouvez-vous éviter de voir votre situation énergétique se détériorer ? Comme en finance, la diversification est la clé. Vous allez devoir vous placer à plusieurs endroits à la fois.
Avec une gestion pilotée ou une gestion experte, en externalisant ces achats, vous allez apprendre à acheter sur différentes périodes, du lendemain à 5 ans à l’avance. Vous allez ainsi pouvoir assumer le risque pris sur les marchés, tout en le limitant par un lissage des prix… voire en allant chercher de la performance sur mesure, selon votre profil de consommateur d’électricité ou grâce à des conseils avisés.
Déléguez votre stratégie d’achat
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