Actualité énergie

16 novembre 2023

Power Purchase Agreement : visibilité sur les prix, décarbonation et promotion des énergies renouvelables

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homme sur un toit avec des panneaux photovoltaiques

Les enjeux autour de la consommation d’énergie sont aujourd’hui prégnants. En plus de la transition écologique, la crise sur les marchés a mis en avant le besoin pour votre entreprise de diversifier sa stratégie d’achat et d’anticiper l’avenir… mais aussi la difficulté à le faire.

Les réponses qui les accompagnent sont logiquement nombreuses, avec des formules contractuelles et d’approvisionnement qui recouvrent des réalités très différentes les unes des autres : contrat bloc + spot, produits à terme, autoconsommation, garantie d’origine… ou Power Purchase Agreement (PPA), sigle à la mode mais mystérieux au premier abord qui désigne les contrats signés directement entre un producteur d’électricité et un consommateur sur un temps long (généralement quinze à vingt ans).

Pour s’y retrouver et comprendre l’engouement autour de cet achat d’électricité de gré à gré, Aurore Le Gouëz, directrice régionale Nord-Est de Collectif Énergie, répond à quatre questions essentielles pour entamer sa réflexion sur le sujet.
 

Power Purchase Agreement : pourquoi est-il si populaire aujourd’hui en France ?

Il y a deux facteurs principaux qui lui donnent de la force. Tout d’abord, un contrat d’énergie classique aujourd’hui permet de souscrire jusqu’à trois ans. Avec un PPA, la durée s’allonge à quinze voire vingt ans. Pour le consommateur, il s’agit donc de se donner une visibilité budgétaire, au moins sur une partie de sa fourniture en énergie et une partie de sa consommation.

C’est le premier aspect qui fait que ces contrats ont le vent en poupe, car acheter de l’énergie à 100 €/MWh pendant 15 ans coûtera moins cher que d’en acheter à 200 ou 300 €/MWh sur une courte période, même s’il s’agissait de prix exceptionnels dus à la crise l’année dernière. Certes, le prix établi peut se révéler selon le contexte au-dessus du marché spot sur un laps de temps et la formule ne peut être gagnante à coup sûr. Mais ses autres avantages, notamment la visibilité et la stabilité offertes, viennent compenser cela. 

Ensuite, il y a un objectif de décarbonation et de transition énergétique. Il y a ainsi une différence entre un PPA en Amérique du Nord et ceux que nous pouvons contractualiser en Europe, que ce soit en Allemagne, en Espagne ou en France. Aux États-Unis, il n’est pas forcément « green ». Ici, ce modèle d’achat d’énergie en direct est dédié aux énergies renouvelables, afin de limiter les émissions de CO2. En France, sur ce point-là, ces accords agissent finalement assez peu car le mix énergétique français est déjà peu carboné.

Néanmoins, cet aspect n’est pas négligeable au niveau de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Mettre en place un PPA revient à prendre sa part dans le développement des énergies renouvelables, puisqu’il s’agit le plus souvent d’un projet de ferme photovoltaïque ou d’installation d’éoliennes… Il s’agit vraiment d’un outil d’implication de la société dans la promotion de nouveaux modes de production d’électricité plus responsables.

Y a-t-il en France des incitations au développement des Power Purchase Agreeement ?

Nous sommes en retard sur le développement des énergies renouvelables. Le PPA peut inciter à avancer sur le sujet parmi d’autres dispositifs, comme les OA CRE – dont les prix sont moins incitatifs aujourd’hui. Avec une obligation d’achat CRE (qui oblige EDF ou une ELD à acheter une production renouvelable à un tarif imposé), un parc éolien va être valorisé entre 64 et 68 €/MWh. Dans un PPA, cette énergie pourrait être vendue aux alentours de 110 €/MWh. Pour un producteur, la deuxième option devient intéressante, d’autant que cela lui donne des certitudes sur la vente de l’énergie produite à moyen terme. Pour un consommateur, ce sera pareil, avec un pourcentage de sa consommation qui sera à un prix fixe et déjà déterminé. 

La question n’est plus tellement la variabilité, mais de savoir si on peut produire et être rentable avec un prix donné de l’énergie. Parfois, le prix spot ou la vente à terme serait au-dessus ou en dessous du prix d’achat qui a été fixé préalablement dans l’accord. Mais à partir du moment où ce n’est pas une mauvaise affaire, cela permet aussi en parallèle de verdir sa production. 

Ainsi, le prix seul ne joue pas. Il s’agit de valoriser son choix d’approvisionnement et de le répercuter sur ses clients. Un meilleur bilan carbone – or, le PPA agit sur cet aspect, contrairement à la garantie d’origine – va mettre en relief la production. Cela fait une différence. Il y a de nombreux enjeux sous-jacents à l’énergie. C’est par exemple le cas pour un sous-traitant avec un gros donneur d’ordres qui est observé sur ses émissions de CO2. Faire des efforts sera valorisable dans la chaîne de sous-traitance et donnera un avantage concurrentiel.

L’enjeu aujourd’hui est d’offrir cette possibilité d’envisager le long terme à de plus petites entités, à des PME ou des ETI, par exemple en gestion pilotée. Cela ne doit plus être réservé à quelques grands comptes. Ces petites et moyennes entreprises aussi ont besoin de sécuriser leur budget tout en participant à la transition écologique. Il faut en prendre conscience : c’est chacun, à notre niveau et collectivement, que nous pouvons arriver à modifier le mix énergétique et agir concrètement. Il faut donc pouvoir démocratiser l’accès aux PPA.

Cela signifie-t-il que les PPA peuvent s’adresser à tous les types d’entreprises ?

Il ne s’agit pas de dire qu’un petit consommateur peut en signer un dans son coin, tout seul, sauf à monter des microprojets. Il y a des solutions à envisager, bien entendu, à l’échelle d’une zone industrielle ou d’activité – ce qui reste au final un principe de regroupement des forces sur une longue échéance. Mais il faut des garanties, en particulier financières, ou s’appuyer sur des fonds comme celui de la BPI. 

En effet, il faut commencer par avoir une situation solide et une consommation d’énergie importante pour que cela prenne sens et soit possible. C’est un point de départ indéniable. L’idée est donc de partir sur du PPA groupé, en agrégeant les forces sur ce sujet. Cela nécessite bien sûr des facilitateurs, pour créer le lien entre le producteur et le consommateur. À ce jour, mutualiser des contrats long terme ne se fait pas forcément, mais c’est envisageable. On peut collectivement se fournir une partie de son énergie, en partageant les efforts, et obtenir des conseils communs sur ses achats. 

Maintenant, le PPA seul ne suffira pas à une entreprise pour sa fourniture d’électricité et de gaz, sauf à faire de la surproduction. Il est possible de jouer sur le multi-asset pour aplanir son profil énergétique le plus possible, par exemple en combinant l’éolien et le solaire – la charge restante sera d’autant plus plate par rapport au solaire seul, dont la production forme une cloche, ou l’éolien qui est par essence une énergie intermittente et non contrôlable. Mais, dans tous les cas, il n’y a pas de solution miracle. Cela va être très compliqué de pouvoir avoir la totalité de ses besoins couverts par un contrat long terme, sauf en surdimensionnant et en revendant régulièrement sur le marché spot – ce qui laisse une exposition à des prix variables et donc à un risque budgétaire. 

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Par où commencer pour concevoir son projet PPA et pourquoi se lancer dans cette aventure en 2024 ?

Ce qui doit d’abord être un facteur moteur, ce sont les fondamentaux du PPA européen. Il faut le concevoir comme une innovation et un progrès dans la lutte contre le dérèglement climatique et comme un élément essentiel pour l’acheteur du XXIe siècle. Visibilité sur les prix, décarbonation et promotion des énergies renouvelables : voilà finalement la promesse des accords d’achat d’électricité.

Il s’agit ensuite de trouver l’équilibre qui convient à son cas particulier. Quand on met en place un contrat avec un producteur, il faut en amont faire des études d’impact sur son profil énergétique, il faut discuter avec son fournisseur pour savoir s’il garde la responsabilité de l’équilibre du réseau… Il y a tout un débat, en tant qu’acheteur, à avoir sur le devenir de sa consommation d’énergie. Il faut bien se positionner, se poser les bonnes questions. 

Mettre en place un PPA est un travail de longue haleine, qui demande a minima neuf mois pour la mise en place. La partie financement du projet est déjà un long chemin de croix. Le producteur ne prendra pas le risque d’une installation sans acheteur en raison d’une défaillance après quelques années seulement d’approvisionnement. Il faut aussi mettre en place la méthodologie d’achat pour le reste de sa fourniture d’énergie et trouver le fournisseur prêt à suivre cette démarche, car elle apporte une forme d’insécurité sur l’éolien et le solaire en cas de prévisions météorologiques qui ne se confirment pas. Quand on y ajoute la construction de la centrale, puisque cela concerne principalement de nouveaux projets, on peut estimer que la fourniture d’électricité arrivera difficilement avant 2026. C’est un élément à avoir en tête, d’autant plus qu’il y a une concurrence forte sur les PPA en ce moment et que le nombre de projets proposés n’est pas forcément suffisant.

Au final, signer ce type de contrat ne se fera pas en un claquement de doigts. Cela nécessite un véritable investissement de tout un département énergie ou d’un responsable d’achat, avec l’appui par exemple d’un energy manager à temps partagé, parce qu’il faut impliquer la direction de l’entreprise dans cette belle aventure. Le PPA demande l’adhésion de tout le microcosme de l’entreprise pour bien fonctionner et porter ses fruits, à long terme.

Experte PPA - Aurore Le Gouez   Aurore Le Gouëz, directrice régionale Nord-Est et formatrice au salon Gazelec. Elle connait le sujet des PPA sur le bout des doigts.